21/10/2013 18:03

Un tournage va avoir lieu pour la première fois au 36 quai des Orfèvres à Paris

Henri-Georges Clouzot, Bertrand Tavernier, Olivier Marchal en ont rêvé mais c'est le réalisateur Alexandre Arcady qui a reçu pour la première fois l'autorisation de planter sa caméra au sein de la police judiciaire parisienne au mythique 36 quai des Orfèvres.

Dans l'austère cour de ce bâtiment du XIXe siècle, le ballet habituel des suspects interpellés et témoins convoqués a cédé la place samedi à l'équipe du film "24 jours", qui retrace l'affaire Ilan Halimi, un jeune homme juif séquestré, torturé et tué en 2006.

Après trois semaines de tournage dans un décor reconstitué, acteurs, assistants-réalisateurs, habilleurs et maquilleurs profitent de la relative tranquillité du week-end pour investir les lieux qu'a arpenté, angoissée, Ruth Halimi, mère d'Ilan et auteure du livre qui a inspiré le film.

"C'est très émouvant. On a vraiment l'impression d'être dans l'histoire. Alexandre Arcady voulait coller au plus près de la réalité. C'était inespéré de tourner une fiction au siège de la brigade criminelle, on ne l'envisageait même pas", explique le premier-assistant réalisateur, Pascal Meynier.

La préfecture de police de Paris (PP), qui encadre depuis longtemps les tournages sur la voie publique, a décidé récemment d'ouvrir ses locaux dans le cadre de la politique de valorisation du patrimoine de l'Etat.

"Le préfet Bernard Boucault a décidé de proposer ces lieux mythiques aux professionnels sans céder sur nos impératifs de fonctionnement 365 jours par an et 24 heures sur 24", affirme Xavier Castaing, le chef de la communication de la PP.

"Aucun policier ne joue dans les films et aucun matériel n'est prêté. En revanche, le fruit de la location revient toujours au service contributeur", ajoute-t-il. "Le prix est fixé par le ministère de l'Economie et des finances en fonction des besoins de la production", précise-t-il. Plusieurs milliers d'euros ce jour-là pour huit heures de tournage.

Dans le film, comme dans la réalité, deux acteurs déguisés en policiers gardent le porche du "36", mais l'oeil du connaisseur reconnaît un uniforme qui n'est plus porté. "Il y a des licences poétiques mais nous ne sommes pas là pour donner des directives", assure Xavier Castaing.

Plus de costumes-cravates que de blousons en cuir

"Cela nous a enlevé des idées reçues", reconnaît le premier assistant-réalisateur, "c'est beaucoup plus sobre qu'on ne se l'imaginait; les policiers portent plus des costume-cravate que des blousons en cuir".

"47 sur BO, deuxième", crie une assistante. "Action", enchaîne Arcady, verres fumés, les yeux rivés sur l'écran de contrôle. La scène dure à peine une minute: une voiture banalisée est entrée à toute vitesse dans la cour avec à l'arrière Jacques Gamblin, qui incarne le commissaire en charge de l'enquête.

De vrais policiers de la brigade criminelle profitent de l'arrêt de la caméra pour passer les bras chargés de scellés, semant la confusion chez les badauds fascinés mais sans attirer l'attention de l'équipe du film.

"C'est un lieu de tournage comme un autre. C'est drôle, à titre personnel, d'y entrer mais cela ne change pas tellement notre façon de travailler", explique l'acteur Eric Caravaca, qui joue un policier.

Même sentiment chez Jacques Gamblin, qui incarne son supérieur: "Quand on est acteur, on accumule les choses qu'on voit pour notre banque de données. Par exemple, ici la vétusté des lieux surprend. On a plutôt envie d'interroger les murs".

Pour Eric Trunel, qui a participé à l'enquête à la brigade criminelle, l'affaire, qui se rejoue ce jour-là devant lui, ravive la sensation d'échec. "On était à deux doigts de le retrouver", regrette-t-il.

Ilan Halimi, alors âgé de 23 ans, avait été attiré dans un guet-apens un soir de janvier 2006. Il avait été retenu et torturé pendant trois semaines dans une cité de Bagneux. Ses ravisseurs, emplis de préjugés antisémites, voulaient extorquer de l'argent à sa famille.

Youssouf Fofana, le chef du "gang des barbares" qui a reconnu avoir porté les coups mortels, a été condamné à la perpétuité en 2009.

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