07/01/2015 15:25

Portrait: Wolinski abattu ce matin, un dessinateur mythique à l'humour grinçant

Irrévérencieux et grivois, Georges Wolinski, tué mercredi dans l'attentat contre Charlie Hebdo à l'âge de 80 ans, était un dessinateur de presse mythique pour toute une génération, père du célèbre "Roi des cons", pilier de la bande de Hara-Kiri dans les années 60 puis de Charlie Hebdo.
L'humour toujours grinçant, bien dans la note de Hara-Kiri - "journal bête et méchant" -, il imaginait, en 2012, que l'on pourrait graver sur sa tombe ce mot de Cavanna, vieux compagnon de route: "Wolinski, on croit qu'il est con parce qu'il fait le con mais en réalité, il est vraiment con."
Wolinski était né le 28 juin 1934 à Tunis, d'un père d'origine polonaise, assassiné quand il avait 2 ans, et d'une mère originaire de Livourne, en Toscane. C'est en Tunisie que le petit Georgie, comme l'appelait sa grand-mère, découvre les comics grâce aux Américains débarqués en Afrique du Nord.
"Les autres enfants demandaient du chocolat et des chewing-gums aux GI, moi je leur disais: "Have you comics?", et ils me donnaient des comics mais aussi du chocolat et des chewing-gums!"
Arrivé à Paris en 1945 et "plus enclin à mater ses petites camarades et à dessiner qu'à réviser", il se passionne pour la BD et illustre le journal de son lycée, Le Potache Libéré... Il propose ses premiers dessins au journal Hara-Kiri en 1961 sous l'égide de Cavanna et du professeur Choron.
Après la courte expérience de "L'Enragé" au côté de Siné, il devient, après 68, l'un des piliers de "Hara-Kiri Hebdo". L'hebdomadaire satirique sera interdit et deviendra "Charlie Hebdo" à la suite de la polémique provoquée par le titre "Bal tragique à Colombey, un mort", lors du décès du Général de Gaulle en 1970. C'est lui aussi qui caricaturera Michel Debré, alors ministre de la Défense, avec un entonnoir sur la tête.
Dans Charlie, chaque semaine, Wolinski met en scène deux personnages, un maigre timide et un gros, dominateur et péremptoire, qui enchaîne les propos de comptoir: "Monsieur, je suis pour la liberté de la presse, à condition que la presse n'en profite pas pour dire n'importe quoi!"
Il participe également à l'aventure de "Charlie Mensuel", dont il est le rédacteur en chef de 1970 à 1981. "Charlie, le seul journal de bandes dessinées lu par des gens capables de lire autre chose que des bandes dessinées"...

Evoquant aussi ses grands copains, Reiser, Gébé, Cabu, Choron, ceux des années 60 et 70, de la fin du gaullisme et de l'ère Pompidou, Wolinski expliquait son approche: "Nous avons adapté la BD au dessin de presse. On en était encore à Jean Effel, des caricatures d'hommes politiques. Nous, nous avons utilisé la BD pour parler de l'air du temps, de la société, des femmes."
A partir des années 80, il travaille pour différents quotidiens ou magazines comme L'Humanité, Libération, Le Nouvel Observateur. Il abandonne petit à petit sa marque de fabrique, le côté grinçant et cynique, et adopte un style plus "bon enfant". Son mode de contestation a fini par faire partie du paysage français.
Amateur de Jaguars et habitant de Saint-Germain-des-Prés, il savait aussi se moquer de lui-même: "On a fait mai 68 pour ne pas devenir ce qu'on est devenu!"
En 1990, il entre au Journal du Dimanche puis à Paris Match et revient à Charlie Hebdo, qui renaît de ses cendres en juillet 1992, sous la houlette de Philippe Val. "Je suis un dessinateur de presse avant tout, un chroniqueur de l'actualité, de la politique, du temps qui passe", disait-il.
Le dessinateur a quelque 80 albums à son actif, des compilations de dessins d'actu et de vraies BD, comme les célèbres aventures érotico-farfelues de Paulette.
En 2005, il a été couronné par le Grand Prix du 32e festival d'Angoulême et en 2012 la très digne BNF lui avait consacré une rétrospective pour ses 50 ans de dessins. Il acceptait ces honneurs avec le sourire, comme il avait accepté la Légion d'honneur épinglée par le président Jacques Chirac.
Outre son autobiographie ("Mes aveux"), cet infatigable graphomane a aussi écrit pour le théâtre ("Je ne pense qu'à ça", "Le Roi des cons"...) et la télé ("Scoopette, la nympho de l'info", pour Canal+), en privilégiant son sujet favori: les relations hommes-femmes et bien sûr le sexe.

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Vos réactions

Portrait de serafinaa
7/janvier/2015 - 17h32

triste jour pour la démocratie ! Toutes mes pensées vos aux familles de CHARLIE HEBDO 

Portrait de sebachalon71
7/janvier/2015 - 15h55

bravo au courage  de c'est conviction pour c journaliste 

Portrait de sebachalon71
7/janvier/2015 - 15h55

bravo au courage  de c'est conviction pour c journaliste 

Portrait de Cad
7/janvier/2015 - 15h31

Condoléances à sa famille