
Par Nicolas PRATVIEL
Simone Biles ressuscitée, Léon Marchand superstar, Céline Dion incandescente sur la Tour Eiffel, Armand Duplantis encore plus haut, la vasque olympique en lévitation... il y a un an, les Jeux de Paris enchantaient le monde.
La Ville Lumière n'a peut-être jamais aussi bien porté son surnom que durant cette folle quinzaine (26 juillet-11 août), au point qu'on pouvait citer Ernest Hemingway sans que ce soit survendu: Paris était vraiment "une fête", une parenthèse irréelle dans une France angoissée.
Ce n'était pourtant pas gagné d'avance. Depuis l'obtention des Jeux en 2017, les doutes n'ont cessé de croître quant à la capacité d'organiser l'évènement dans des lieux aussi emblématiques que les Invalides ou le Grand Palais. Sans compter cette Seine, pas très saine, dans laquelle pas un seul Parisien n'oserait tremper un orteil - sauf la maire Anne Hidalgo qui tiendra sa promesse de s'y baigner - et ces transports en commun dont on ne voit pas comment ils fonctionneraient sans perturbations.
Ces JO seraient de surcroit trop coûteux - vrai: la facture totale est estimée à quelque 10 milliards d'euros -, pas assez soucieux de l'environnement, avec un risque sécuritaire accru. Alors quand Emmanuel Macron décide, le 9 juin, de dissoudre l'Assemblée nationale, entraînant des législatives anticipées à trois semaines des Jeux, le coup de massue est terrible.
"On aura tout eu quand même (...) Je ne l'avais pas vu venir celle-là", lâche dépité Tony Estanguet, patron du comité d'organisation, dans le documentaire "Au coeur des Jeux". La possible arrivée de l'extrême droite au pouvoir sidère une partie de la France.
Au matin du Jour J, le désastre semble inévitable avec le rarissime sabotage de lignes à grande vitesse. Et pour couronner le tout, la pluie cible la capitale pour la cérémonie d'ouverture. De quoi en faire pleurer le directeur artistique Thomas Jolly.
Le résultat est au-delà des espérances. On ne compte plus les images marquantes de ces presque quatre heures de tableaux majestueux, offrant chorégraphies époustouflantes, visuels somptueux, instants suspendus et apparitions surprises, sur une bande-son made-in-France convoquant l'excellence.
C'est dans un éclat de rire que cette cérémonie démarre, avec Jamel Debbouze et Zinédine Zidane au Stade de France. Après quoi, Zizou dans le métro transmet la flamme à trois enfants, aussitôt embarqués dans les catacombes avec un personnage encapuchonné, évoquant autant Bélphégor que l'acrobate du jeu vidéo Assassin's Creed, fleuron de l'entreprise tricolore Ubisoft. Débute alors en direct un sacré "parkour" vers les haut-lieux de Paris.
Sous les yeux ébahis de milliers d'athlètes en parade fluviale, de 326.000 spectateurs sur les bords de Seine, de plus de 23 millions de téléspectateurs dans l'Hexagone, le show met en valeur la culture et le savoir-faire français sur fond de grande Histoire. Du Pont d'Austerlitz jaillit une immense brume bleu-blanc-rouge, sur l'Ile Saint-Louis Lady Gaga emplumée chante Zizi Jeanmaire, sur les quais les danseuses du Moulin Rouge exécutent leur French Cancan, la flèche de la cathédrale Notre Dame se redresse, tout juste restaurée. Paris-2024 dépoussière les cérémonies d'ouverture.
Marie-Antoinette en perd de nouveau la tête durant cette Révolution d'un autre genre en mondovision, sous un tonnerre de guitares délivré par le groupe metal Gojira juché au bord des fenêtres de la Conciergerie, pour un "Ah ! Ça ira !" de tous les diables, avec la mezzo-soprano Marina Viotti. Et ça y va. Et ça chante sous la pluie. Et ça danse.
A l'image d'Aya Nakamura se déhanchant avec la Garde Républicaine sur le pont des Arts. Séquence "For me Formidable", n'en déplaise à ceux n'y voyant qu'outrance, comme lorsque la communauté "LGBTQ+" est représentée avec un "trouple" s'embrassant et des drag-queens recréant la Cène.
L'onirisme n'est pas en reste, avec ce cheval métallique fendant la Seine dans la nuit. Direction le Trocadéro pour les instants solennels de la levée du drapeau olympique - à l'envers -, et des discours, dont celui d'Emmanuel Macron proclamant les Jeux ouverts. Le relais de la flamme s'achève aux Tuileries, quand Marie-José Pérec et Teddy Riner embrasent la vasque qui, surprise, s'envole.
Le grand final se situe au premier étage de la Tour Eiffel où l'Hymne à l'amour est repris par Céline Dion. qui n'avait plus chanté depuis quatre ans pour raisons de santé. Instant chair de poule, en guise de conclusion.
Après cette introduction fastueuse, ayant su mêler hédonisme et innovation, poésie et créativité, audace et diversité, le blockbuster olympique peut commencer, porté par un casting étoilé. Il démarre fort avec la "Dupont-mania" consécutive à l'or décroché en rugby à VII par Toto, ce héros de l'équipe de France.
Et dans la foulée, bien plus délirante encore, c'est la "Marchand-mania" qui s'empare de ces JO, avec le roi Léon qui fait retentir la Marseillaise quatre fois, devenant LA star des Jeux. Les bars ne désemplissent pas, les chants se font à l'unisson, jusque dans le métro où on vit chaque épreuve vissé devant son smartphone.
Les sourires sont permanents, les policiers super sympas et les fan-zones en fusion. "On se voyait comme un peuple d'irréductibles râleurs, on s'est réveillés dans un pays de supporteurs déchaînés qui ne veulent plus s'arrêter de chanter", lâchera Tony Estanguet.
Chaque jour apporte son lot de frissons. Il n'y a qu'à voir la star du rap Snoop Dogg, envoyé spécial pour NBC, les yeux écarquillés lors d'une épreuve... La photo inonde les réseaux sociaux, relayée par Emmanuel Macron sur X, avec ce commentaire: "Nous tous en train de regarder les JO de Paris".
Les polémiques sont rares, entre climatisation insuffisante et nourriture décevante dans le village olympique, mais celle entourant la boxeuse algérienne Amen Khelif fait mauvais genre. Attaquée sur le fait qu'elle soit une femme ou non, sur les réseaux sociaux, notamment par Donald Trump, elle ne s'en laisse pas compter: "Le monde entier était contre moi, mais malgré cela j'ai décroché l'or (-66 kg), je suis une femme forte". Les climax s'enchaînent.
Teddy Riner devient le judoka le plus titré de l'histoire des Jeux (5 médailles d'or). Novak Djokovic en tremble encore après le seul sacre manquant à son pantagruélique palmarès. Noah Lyles remporte la finale du 100 m la plus rapide de l'histoire, pour cinq millièmes de seconde.
Armand Duplantis défie l'apesanteur pour un nouveau record du monde à la perche (6,25 m). Et que dire de Simone Biles, redevenue reine de la gym trois ans après ces "twisties" (pertes de repères dans l'espace) qui l'avaient paralysée à Tokyo ? L'Américaine repart avec trois médailles d'or de Bercy, où la star de Team USA Stephen Curry prend feu face aux Bleus de Victor Wembanyama en finale du basket.
Question liesse, elle est incroyable à Montmartre, lieu de passage de la course cycliste en ligne rassemblant un million de personnes dans les rues. L'image est folle, tout comme celle du surfeur brésilien Gabriel Medina comme en lévitation au-dessus de la vague de Teahupoo en Polynésie. Il faut bien pourtant redescendre du nuage olympique.
Plus sobre, plus sombre aussi, avec son scénario dystopique déroutant, la cérémonie de clôture au Stade de France vient alors refermer cette parenthèse enchantée. A Tom Cruise d'annoncer Los Angeles-2028, qui devra user de toute la magie d'Hollywood pour espérer faire aussi bien.
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