syrie Une Française, la deuxième rapatriée des camps du Nord-Est syrien à être jugée devant une cour d'assises spéciale à Paris, a été condamnée à dix ans de réclusion dans un dossier au sein duquel apparaissent de hauts cadres du groupe Etat islamique (EI) réputés sanguinaires.
Au terme de trois jours de procès, Carole Sun a été reconnue coupable d'association de malfaiteurs terroriste. Sa peine est assortie d'une obligation de suivi socio-judiciaire de cinq ans ainsi qu'une injonction de soins. Partie pour la Syrie en juillet 2014 à 18 ans avec son frère d'un an son aîné, elle avait été arrêtée en décembre 2017 par les forces kurdes au bord de l'Euphrate au moment de la débâcle de l'EI.
Des figures féminines du jihad figuraient aussi dans le convoi, dont Emilie König. La Direction générale de la Sécurité intérieure française (DGSI) y verra une tentative de l'EI de « relocaliser » des membres dans des « poches » de son territoire, dont Idleb, au nord-ouest de la Syrie. Carole Sun, aujourd'hui âgée de 30 ans, est revenue en France le 5 juillet 2022 lors du premier rapatriement massif d'enfants et de leurs mères depuis la chute en 2019 du « califat ».
Elle s'est radicalisée sur les réseaux sociaux et présente son départ comme un « colmatage » de failles provoquées par des événements traumatiques, dont un viol collectif lorsqu'elle a 14 ans.
Sur place, résume le président, l'accusée, issue d'une famille de tradition chrétienne installée en région parisienne, côtoie ou habite avec « des personnes extrêmement médiatisées », « connues pour leurs exactions cruelles » ou combattant dans des unités qui compteront dans leurs rangs des assaillants des attentats à Paris du 13 novembre 2015.
Parmi ces figures, Salaheddine Guitone, un Français propagandiste notoire. Elle l'a rencontré sur Facebook deux mois auparavant, le trouve « beau » et « doux ». Dès son arrivée, leur mariage est scellé. Il durera une dizaine de jours, car il meurt au combat. Mais aussi son frère Charly Sun, aujourd'hui incarcéré en Irak et qui fut membre d'une unité de police islamique dirigée par le geôlier d'otages Salim Benghalem, volontiers vantard sur ses activités comme sur un cliché le montrant une tête décapitée dans la main. En secondes noces, Carole Sun épouse un membre de l'Amni - le service de renseignements de l'EI -, un homme qui, comme elle l'écrit à sa mère, « bute les traîtres ». Il se trouve aujourd'hui incarcéré en Irak.
Quand le président interroge l'accusée sur un cliché montrant son bébé un pistolet semi-automatique sur les genoux, elle « ne (se) l'explique pas »: « C'est juste que j'étais dedans (l'idéologie), ça m'empêchait de voir que c'était grave. » Quand son frère lui livre des récits de ses activités sanglantes: « Je me suis pas offusquée », et les violences, « je pensais pas que ça serait aussi dur à voir », dit-elle encore, avant de lâcher après plusieurs heures d'interrogatoire que « la vérité, c'était l'Etat islamique et je fermais les yeux sur les exactions ».
Elle reconnaît « avoir intégré les codes de l'EI » et « contribué à sa propagande ». Selon l'avocate générale, qui a requis douze ans à son encontre, à « l'enjeu d'ordre public s'ajoute la massification alors qu'il reste tant de femmes à juger », une soixantaine.
À l'audience, elle a raconté les plus de quatre années passées avec ses deux enfants dans les camps syriens de déplacés et jihadistes présumés. Plus que l'extrême chaleur estivale dans le désert, les maladies ou la précarité, « le plus dur », affirme-t-elle, est « la population qui fait peur ». « C'est comme une jungle, un « enfer » jonché de « rumeurs », de « peurs » et de femmes « extrêmement extrêmes », partisanes de l'excommunication. S'y déroule « une guerre de moeurs, même au niveau des enfants ». Elle décrit deux groupes à l'état d'esprit distinct : celles « d'avant Baghouz », « celles d'après », en référence à l'ultime bastion de l'EI tombé en 2019. « On est à l'affût. » Plusieurs Françaises ont témoigné qu'elle restait une « pro-Daech » (l'acronyme arabe de l'EI), ce dont elle s'est défendue.
À ce jour, sur les femmes parties en zone irako-syrienne - plus du tiers des quelque 1.500 Français -, 160 sont rentrées, selon l'avocate générale, et, depuis 2017, 30 ont été jugées par la cour d'assises spécialement composée. D'autres l'ont été en correctionnelle.
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