
Par Aurélia END
Entre réforme annoncée des visas de journalistes et menaces plus ou moins voilées à leur endroit de certains proches de Donald Trump, la presse étrangère est sous pression aux Etats-Unis.
"D'où êtes-vous?", demande le président américain mardi à un journaliste qui l'interroge sur son implication dans les affaires financières de sa famille. Apprenant que le reporter est australien, Donald Trump le rabroue vivement: "Vous faites beaucoup de mal à l'Australie (...). Votre dirigeant va venir me voir très bientôt. Je lui parlerai de vous. Je n'aime pas du tout votre ton."
L'échange a été très commenté, même si en général, "quand Trump s'en prend un journaliste, qu'il soit étranger ou américain n'a pas d'importance", assure le correspondant d'un média étranger à Washington, qui demande l'anonymat. Plus que les attaques présidentielles, ce qui l'inquiète, c'est son projet de faire passer à 240 jours contre cinq ans jusqu'ici la durée initiale des visas accordés aux représentants de média étrangers - avec une durée plus courte de 90 jours pour les journalistes chinois.
Une centaine de médias et organisations de presse internationaux, dont l'AFP, ont estimé dans une lettre ouverte que cela "amoindrirait la quantité et la qualité de la couverture" de l'actualité américaine.
"Ce serait un cauchemar", lance le journaliste déjà cité. "Comment louer un logement, obtenir un permis de conduire, mettre son enfant à l'école avec un visa de 240 jours?", s'interroge-t-il, en soulignant aussi qu'il faut "du temps pour se constituer un réseau de sources" et comprendre les Etats-Unis.
Un autre journaliste, correspondant d'un média européen, note lui que "la précarisation des journalistes étrangers ne fait pas d'eux des cibles privilégiées de cette administration" mais "s'inscrit dans un tableau d'ensemble très inquiétant". "La Maison Blanche n'aime les journalistes qu'acquis à ses sujets ou bien s'autocensurant assez pour normaliser ce qui se passe", d'où qu'ils soient, avance-t-il. L'AFP a contacté plusieurs journalistes étrangers pour cet article.
Peu ont donné suite, et ceux qui ont accepté de s'exprimer ne l'ont fait que sous couvert d'anonymat. Cette durée plus courte des visas "crée les conditions d'un possible système de censure, dans lequel le gouvernement Trump peut monnayer l'accès en échange d'obéissance", s'est alarmée dans un communiqué Katherine Jacobsen, représentante du Comité de protection des journalistes, une organisation non-gouvernementale. "La liberté de la presse ne s'arrête pas aux frontières. Elle dépend de correspondants qui peuvent travailler ici sans craindre que leur temps ne soit compté" a protesté de son côté le président du National Press Club, Mike Balsamo, sur X.
Cette association de journalistes basée à Washington signale que ces restrictions pourraient susciter des représailles à l'encontre des journalistes américains travaillant à l'étranger.
Si les correspondants interrogés ne notent pas d'hostilité particulière de la Maison Blanche elle-même, ils soulignent que des figures politiques du mouvement MAGA (Make American Great Again) n'hésitent pas à viser spécifiquement des journalistes étrangers. Richard Grenell, un proche de Donald Trump qui fut ambassadeur en Allemagne, a récemment appelé sur X à supprimer le visa d'un journaliste de la chaîne publique de télévision allemande ZDF.
"Il n'y a pas de place aux Etats-Unis pour ce genre d'agitateur", écrit-il, critiquant une intervention vidéo de ce reporter consacrée à l'un des plus influents conseillers de la Maison Blanche, Stephen Miller. Après la mort par balle de Charlie Kirk, proche du président américain, un haut responsable de la diplomatie américaine a plus largement mis en garde tous les étrangers qui "applaudissent, cherchent à rationaliser ou prennent à la légère" cet assassinat.
"N'hésitez pas à me signaler de tels commentaires", a conseillé Christopher Landau sur X. Le retour au pouvoir du milliardaire républicain n'a pas été une mauvaise nouvelle pour tous les médias étrangers. Certains, connus pour diffuser des idées similaires à celles de Donald Trump dans leurs pays, sont les bienvenus à la Maison Blanche.
Par exemple, la chaîne de télévision britannique GB News, qui compte parmi ses vedettes Nigel Farage, meneur du parti d'extrême droite Reform UK, récemment reçu dans le Bureau ovale. Une journaliste de GB News a été conviée à voyager dans l'avion présidentiel américain, où les places sont aussi rares que convoitées, à l'occasion de la visite de Donald Trump au Royaume-Uni cette semaine.
Lorsque le président a fait une apparition dans la cabine de presse, elle lui a assuré que les téléspectateurs de sa chaîne voudraient le voir "changer de place" avec le Premier ministre travailliste Keir Starmer.
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