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Dix personnes seront jugées mi-septembre à Paris, soupçonnées d'avoir participé à un trafic de stupéfiants et notamment de 3-MMC, une drogue de synthèse utilisée dans des soirées "chemsex" qui était revendue à des hommes de la communauté gay francilienne

Dix personnes seront jugées mi-septembre à Paris, soupçonnées d'avoir participé à un trafic de stupéfiants et notamment de 3-MMC, une drogue de synthèse utilisée dans des soirées "chemsex" qui était revendue à des hommes de la communauté gay francilienne.

Selon l'ordonnance de renvoi datée du 10 avril dont l'AFP a eu connaissance, l'enquête a débuté en juillet 2023 autour des agissements d'un revendeur présumé de crack, dans le nord-est de Paris.

En le suivant, le 2e district de police judiciaire de Paris pense avoir fortuitement cartographié un réseau qui s'était notamment spécialisé dans l'importation depuis les Pays-Bas, à l'aide d'un fournisseur surnommé "Chico", de divers stupéfiants et notamment de 3-MMC.

Cette drogue est une des vedettes des "nouveaux produits de synthèse" de la famille des cathinones, adoptée par une partie de la communauté gay notamment lors de soirées "chemsex", des relations sexuelles à plusieurs où tous types de substances psychoactives sont sniffées, ingérées, injectées, afin de démultiplier désir et sensations, parfois plusieurs jours de suite.

Ces soirées, où peuvent se produire des overdoses parfois mortelles, inquiètent les autorités.

Dans ce dossier, c'est un homme de 35 ans surnommé "Plata", en référence à Pablo Escobar, et actuellement incarcéré, qui est soupçonné d'avoir coordonné le volet 3-MMC.

L'enquête a établi, notamment grâce à la sonorisation de son domicile et à ses appels passés en mode haut-parleur, de nombreux déplacements de moins de 24 heures de sa part vers la Belgique ou les Pays-Bas, mais aussi un travail d'"organisateur", d'"intermédiaire" ou de "donneur d'ordre".

D'abord, la marchandise. Auprès de l'un de ses interlocuteurs, Plata se vante de sa qualité : "Tu vas péter un câble. Celle-là, c'est la +number one+ (...). Ils peuvent se piquer et sniffer, les deux".

Pour le fournir, des "mules" revenant parfois des Pays-Bas en Flixbus avec de la 3-MMC dans les bagages, rémunérées 100 à 200 euros le trajet.

Ensuite, atteindre sa cible, la communauté gay francilienne.

A un autre contact, il lance : "J'ai trouvé une astuce, tu dois la connaître, je vais sur les sites +dép+", de l'argot mâtiné de verlan pour désigner les gays.

"Plata" raconte ainsi avoir passé 4 heures à "visser", soit vendre de la drogue, sur Scruff, un site de rencontres pour hommes.

Le trentenaire aurait aussi écumé les boîtes de nuit adoptées par la communauté gay. Auprès de ce même lieutenant, il s'enthousiasme un petit matin : "On a rafalé, le coran, hé les gens ils venaient nous voir +3M+, +3M+, +3M+".

Il aurait ainsi payé des videurs ou des directeurs d'établissements de nuit pour faciliter son trafic.

Plata raconte aussi, toujours selon l'ordonnance, avoir réussi à obtenir, pour de la livraison en direct qui s'est généralisée depuis l'épidémie de Covid-19, les services d'un dénommé Jules, "blanc de peau" avec des yeux bleus, qui "passe partout" avec son style vestimentaire de skateur, échappant ainsi aux contrôles de police.

Le tout fonctionnait aussi grâce aux réseaux sociaux et à des "stories" promotionnelles, que cet homme veut soignés, telles que : "3-MMC Party, le G (gramme) à 40EUR, les 4 à 100EUR, EXECEPTIONELLE (sic), BEST QUALITY".

D'après l'ordonnance, le réseau imagine aussi des soirées "défonce" pour se faire connaître, mais l'idée à la rentabilité incertaine est abandonnée.

Au final, dix personnes, dont "Plata" qui a reconnu une partie des faits, seront jugées du 11 au 19 septembre par le Tribunal correctionnel de Paris, dont cinq sont actuellement incarcérées.

Dans une synthèse, les enquêteurs estiment que ce trafic a pu dégager jusqu'à 4,5 millions d'euros, sachant que d'autres faits plus anciens ont pu échapper aux autorités.

Les interpellations, en février 2024, ont été déclenchées alors que plusieurs protagonistes envisageaient l'enlèvement d'un rival d'affaires.

Avocat de "Plata", Me Jules Teboul, sollicité par l'AFP, n'a pas souhaité commenter, pas plus que Me Maria Snitsar, avocate d'un autre prévenu. Me Yann Le Bras, avocat d'un potentiel protagoniste-clé du réseau, n'a pas répondu à l'AFP.

Le bilan annuel des douanes publié fin mars évoquait des saisies "record" de drogues de synthèse: 3,08 tonnes interceptées en 2024, en hausse de 27% par rapport à 2023.

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