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Une femme qui refuse des rapports sexuels à son mari ne doit pas être considérée par la justice comme "fautive" en cas de divorce, tranche la Cour européenne des droits de l'homme, qui condamne la France

Une femme qui refuse des rapports sexuels à son mari ne doit pas être considérée par la justice comme "fautive" en cas de divorce, a tranché la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui a condamné la France.

La Cour a donné raison à une Française de 69 ans dont le mari avait obtenu le divorce aux torts exclusifs de son épouse, au motif qu'elle avait cessé d'avoir des relations sexuelles avec lui depuis plusieurs années.

"J'espère que cette décision marquera un tournant dans la lutte pour les droits des femmes en France", a réagi la requérante dans un communiqué transmis par l'une de ses deux avocates, Lilia Mhissen.

"Cette décision marque l'abolition du devoir conjugal et de la vision archaïque et canonique (conforme aux règles de l'Eglise catholique, ndlr) de la famille", a salué de son côté Me Mhissen.

La Cour a condamné la France pour violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale.

Dans son arrêt rendu à l'unanimité des sept juges, la CEDH rappelle que "tout acte sexuel non consenti est constitutif d'une forme de violence sexuelle".

Le "devoir conjugal" est "contraire à la liberté sexuelle et au droit de disposer de son corps".

"La Cour ne saurait admettre, comme le suggère le gouvernement, que le consentement au mariage emporte un consentement aux relations sexuelles futures. Une telle justification serait de nature à ôter au viol conjugal son caractère répréhensible", insiste la CEDH.

Pour Emmanuelle Piet, du Collectif féministe contre le viol (CFCV) qui a soutenu la requérante, "il faut que la France acte que la Cour européenne des droits de l'homme considère que le mariage n'implique pas une obligation de relations sexuelles entre époux et donc que les articles 215 et 212 du Code civil soient modifiés".

L'article 215 du Code civil stipule que "les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie" et l'article 212 que "les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance".

Pour Delphine Zoughebi, avocate de la requérante, "la décision de ce jour va s'imposer aux juges français qui ne pourront plus considérer qu'une communauté de vie implique une communauté de lit".

"Évidemment que nous irons dans le sens de l'histoire et que nous adapterons notre droit", a déclaré le ministre de la Justice Gérald Darmanin, interrogé par la presse en marge d'un déplacement à Agen. Il a ajouté qu'il en "parlerai(t) très rapidement au Parlement".

L'affaire avait débuté lorsque cette habitante du Chesnay (Yvelines) avait demandé le divorce, en 2012.

En 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles avait estimé que le divorce ne pouvait pas être prononcé pour faute et que les problèmes de santé de l'épouse étaient de nature à justifier l'absence durable de sexualité au sein du couple.

Mais en 2019, la Cour d'appel de Versailles avait prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'épouse, considérant que son refus de relations intimes avec son mari constituait "une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune".

La requérante, qui souhaite conserver l'anonymat, avait formé un pourvoi en cassation, qui avait été rejeté.

La sexagénaire, mère de quatre enfants, avait ensuite saisi la CEDH en 2021, soutenue par le CFCV et la Fondation des femmes. "Il m'était impossible de l'accepter et d'en rester là", a-t-elle expliqué jeudi dans un communiqué.

"La décision de la Cour d'appel me condamnant était et est indigne d'une société civilisée car elle m'a refusé le droit de ne pas consentir à des relations sexuelles, me privant de ma liberté de décider de mon corps. Elle a conforté mon époux et tous les époux dans +un droit à imposer leur volonté+."

"En décembre Gisèle Pelicot se battait pour que les viols commis et organisés par son mari soient reconnus, et aujourd'hui, la décision de la Cour européenne des droits de l'homme vient aboutir à la même conclusion, celle qu'un mari ne peut imposer d'actes sexuels à une femme, que le mariage n'est pas et ne doit jamais être une servitude sexuelle", a réagi Gabrielle Bravo, de la Fondation des femmes, saluant une décision "historique" de la CEDH.

Pour Me Zoughebi, "cette décision est d'autant plus fondamentale que près d'un viol sur deux est commis par le conjoint ou le concubin".

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Vos réactions

Portrait de MIMOSAS092
24/janvier/2025 - 19h19

eh bien, il était grand temps !!!! il a fallu 2025 années, c'est fou

Portrait de Ricco l’etourneau
24/janvier/2025 - 05h38
Greg1928 a écrit :

Sachez que le jugement Français à la base donnait faute grave à la dame, c'est la cours Europennes qui a "cassé" ce jugement. Cette Europe fait de l'ingérence dans les lois d'Etat je trouve.

L’Europe fait bel et bien de l’ingérence et ce n’est pas la première fois. Le plus grave c’est que le droit européen est supérieur au droit national.

Du coup, jurisprudence oblige, cette décision vient insidieusement modifier durablement le droit Français.

Portrait de Ricco l’etourneau
23/janvier/2025 - 23h06
stephanevalentino a écrit :

On ne connaît pas la raison de son refus d’avoir des rapports avec son mari mais ce dernier est dans l’embarras car il a le choix entre l’abstinence ou l’infidélité si il souhaite tout de même rester avec sa femme ou simplement divorcer, ce qu’il a fini par faire…

Exactement !

Ensuite il y a bien évidemment un aspect financier concernant le divorce pour faute que l’on ne peut apprécier car nous n’avons pas tous les éléments.

Mais si on prend un cas de figure assez simple : un homme ou une femme d’un certain âge, avec une situation financière très aisée qui épouse une personne un peu plus jeune, qui lui promet monts et merveilles pour en réalité profiter de la vache à lait.

Une fois le mariage prononcé, ceinture, la fête est finie, soit tu divorces et me files ma part du gâteau, soit tu vas voir ailleurs et ma part sera encore plus grosse, soit tu la fermes et tu me laisse vivre à tes crochets.

Avec ce genre de décision, on y va tout droit.

 

Portrait de Ricco l’etourneau
23/janvier/2025 - 22h47
Greg1928 a écrit :

Rien a voir dans cette affaire il n'est pas question de fidélité. Cela signifie juste qu'un homme comme une femme peut maintenant dire non pour l'ancien "devoir conjugal", pas qu'ils peuvent "cavaler" avec d'autres même si cela est fait fréquemment cela reste un motif de divorce. 

Si vous ne souhaitez pas être fidèle ne vous mariez pas, comme tous ceux qui ne veulent pas respecter les règles qu'implique le mariage. Pacsez vous  si c'est juste pour les impots smiley

Dans le cas de cette dame, qui se refusait à tout rapport depuis plus de 5ans, il ne s’agit pas du cas de figure où on retrouve un mari insistant qui réclame son rapport quotidien au titre du devoir conjugal.

Après 5 ans sans relation intime dans le couple, ce qui est vous en conviendrez peut-être un peu long, si le mari avait decidé d’aller voir ailleurs pour des relations physiques et que sa femme avait demandé le divorce suite à cette incartade, elle aurait obtenu le divorce aux torts exclusifs de son époux.

 

 

Portrait de stephanevalentino

On ne connaît pas la raison de son refus d’avoir des rapports avec son mari mais ce dernier est dans l’embarras car il a le choix entre l’abstinence ou l’infidélité si il souhaite tout de même rester avec sa femme ou simplement divorcer, ce qu’il a fini par faire…

Portrait de Ricco l’etourneau
23/janvier/2025 - 19h47

Communauté de vie n’implique pas communauté de lit.

D’accord, alors la réciproque doit être vraie également et ne devrait plus prononcer des divorces aux torts des conjoints qui auraient des relations extra conjugales.

Portrait de COLIN33
23/janvier/2025 - 19h17 - depuis l'application mobile

Très bien !