Par Francois BECKER
"Celui qui est désiré est le plus fort": la mécanique des réseaux sociaux se révèle aussi émancipatrice que cruelle dans "Diamant Brut", en salles mercredi. Bombardé en compétition officielle au dernier Festival de Cannes, ce premier film d'Agathe Riedinger, 40 ans, signe aussi le tour de force d'une jeune actrice non-professionnelle, Malou Khebizi, nommée pour ce rôle aux Révélations des César 2025.
Dans ce drame naturaliste à l'heure de la téléréalité et d'Instagram, Malou Khebizi est Liane, une jeune femme à peine sortie de l'adolescence. Revenue d'un foyer, Liane vit avec sa mère (Andréa Bescond), femme fragile dont on devine le parcours chaotique, et sa petite soeur. La vie s'écoule entre fauche dans les magasins, soirées en boîte et tchatche avec les copines. Dans ce monde, la réussite se mesure en nombre de followers.
Et Liane a un rêve: échapper à la misère en participant à un jeu de téléréalité pour lequel elle vient de passer un casting. Ce monde "a longtemps été méprisé" mais "Diamant Brut" refuse de "juger", a souligné la réalisatrice auprès de l'AFP lors du Festival de Cannes. Car, pour la jeune femme, la célébrité des réseaux sociaux est aussi un outil d'émancipation. Et son corps, maquillé, tatoué, à la fois un outil promotionnel, livré au bistouri des chirurgiens esthétiques, et l'expression de sa féminité.
La mécanique de la téléréalité, entre voyeurisme et chacun pour soi, passionne de longue date Agathe Riedinger, qui veut aborder aussi les questions de lutte des classes, de jeu de pouvoir et de séduction entre femmes et hommes. "C'est un film sur le besoin d'amour", développe-t-elle.
"Le personnage de Liane réunit tous les archétypes de la jeune femme sur laquelle on va coller une étiquette de bimbo décérébrée, qu'on va mépriser". "Considérer que la téléréalité, c'est de la télé-poubelle, c'est un concentré de mépris de classe, pour les candidats et pour les spectateurs.
Or, si la téléréalité véhicule des valeurs ultra-conservatrices, pour les candidats, c'est une manière de s'en sortir, une alternative au chômage, une manière de gagner de l'argent". "Pour des gens qui n'ont pas forcément accès aux études, à l'emploi, c'est une solution que la société a fabriqué et dont ils se saisissent".
Un parcours dans lequel Malou Khebizi, qui a grandi dans un milieu modeste en région marseillaise, se reconnaît : son personnage "est proche de toutes les jeunes filles de ma génération", témoigne-t-elle.
"C'est des problématiques que j'ai pu connaître dans ma vie, de besoin de reconnaissance, de venir d'un milieu où l'on ne nous donne pas tous les outils pour réussir. C'est hyper important d'être bien vu par les autres, désirée, belle".
"Être désirable, c'est la seule chance qu'on donne aux femmes pour réussir. Elle en fait son arme", ajoute l'actrice qui se souvient d'un tournage "très joyeux", où elle a dû "se détacher de (son) image et de (ses) codes".
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