
Par Anne Pascale REBOUL
Trente ans de viols et d'agressions sexuelles près d'une rivière du Nord de la France, et autant de souffrances, jusqu'à une arrestation en 2018: cette histoire vraie est retracée dans la mini-série coup de poing "Sambre", sur France 2 à partir de lundi. "Au-delà du fait divers, c'est un fait de société. Il faut qu'on le raconte", dit son réalisateur Jean-Xavier de Lestrade, qui avait déjà adapté pour la télévision le procès pour infanticides de Véronique Courjault et l'histoire du meurtre en 2011 de la jeune Laëtitia Perrais.
Oscarisé pour sa série documentaire "Un coupable idéal" et Prix Albert-Londres pour un film sur le Rwanda, il plonge à nouveau dans l'intime et la violence, sans pathos. Le "violeur de la Sambre", Dino Scala, a été condamné en 2022 à 20 ans de réclusion criminelle, soit la peine maximale encourue, pour plus d'une cinquantaine de viols, agressions sexuelles et tentatives de viols, des faits commis entre 1988 et 2018 près de son domicile. Il en a reconnu 40.
La journaliste Alice Géraud s'est saisie de cette affaire hors norme et en a fait un livre enquête, "Sambre, radioscopie d'un fait divers", paru en janvier dernier aux éditions JC Lattès. Ce fait divers au long cours "raconte la manière dont notre société a traité la question du viol, des années 80 à l'ère #MeToo", dans "une bascule très lente et très imparfaite", estime-t-elle.
Attirée par "la force de frappe de la fiction", elle a co-écrit avec Marc Herpoux le scénario de ce qui se regarde comme un thriller. A la différence du récit journalistique, "la fiction permet de se situer à un endroit différent, dans l'intime. Cela permet d'approcher une vérité", relève-t-elle.
Chacun des six épisodes de 60 minutes s'attache à un personnage: Christine la victime, Irène la juge, Arlette la maire, Cécile la scientifique, Winckler le commandant de police, et enfin le violeur rebaptisé Enzo, tranquille père de famille, ouvrier modèle et entraîneur de foot jovial, insoupçonné pendant trois décennies. Au casting figurent Jonathan Turnbull, Olivier Gourmet, Noémie Lvovsky, Clémence Poésy et encore Pauline Parigot.
Au centre, Christine, que joue Alix Poisson ("Parents mode d'emploi", "Les Revenants"), actrice fétiche de Jean-Xavier de Lestrade, est "plusieurs victimes, presque toutes les victimes", selon le réalisateur. Sa vie est chamboulée: on observe au fil des années les ravages psychiques et physiques de son agression. Elle se construit une carapace, presque un nouveau corps dans lequel elle se barricade.
D'autant qu'elle ignore que d'autres femmes ou jeunes filles ont été prises pour cibles, tôt le matin sur la route du travail ou du lycée, par un homme ganté au bonnet noir, surgissant par derrière armé d'une cordelette - seule une agression est directement donnée à voir dans le dernier épisode, glaçante. A leur échelle, certains personnages remuent ciel et terre pour retrouver le ou les coupables avec les moyens du bord, c'est-à-dire d'abord sans analyse ADN.
Les recoupements tardent, les enquêtes s'enlisent, dans une indifférence générale voire un aveuglement, sur fond de climat sexiste. "Nous avons de l'ambition" pour "aider à une prise de conscience", alors qu'il reste "difficile aujourd'hui de porter plainte" ou "d'accueillir la parole" après une telle agression, renchérissait Jean-Xavier de Lestrade, en octobre devant la presse.
Dino Scala avait d'abord fait appel de sa condamnation, puis y a renoncé en octobre. Il est toujours visé par une information judiciaire ouverte en mars par le parquet de Valenciennes, pour une autre série de viols, tentatives de viol et agressions sexuelles perpétrés entre 1988 et 2009. Les enquêtes se poursuivent.
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