
"On a été manipulés, mon frère", confesse Reda dans les dernières minutes terrifiantes de "Djihad", tragi-comédie sur le périple en Syrie de trois jeunes Bruxellois musulmans, d'une actualité brûlante et qui connaît un succès inespéré depuis un an en Belgique.
Son auteur, Ismaël Saidi, musulman pratiquant, a vu le jour il y a 39 ans à Bruxelles dans une famille d'origine marocaine.
En près de deux heures, cet ancien policier devenu scénariste tente avec beaucoup d'humour de faire comprendre au spectateur les raisons de la radicalisation à travers l'histoire de trois paumés récupérés par les fanatiques.
"Cette pièce est évidemment une autocritique de la communauté dont je fais partie. Qui sont ces jeunes qui s'engagent ? Avant de les stigmatiser, je voudrais qu'on analyse d'abord les symptômes, pour pouvoir soigner le mal en amont", explique l'auteur.
Et de déplorer "une victimisation à outrance, hypocrite en somme, lorsque ceux qui disent ne pas être tolérés ne sont eux-mêmes pas tolérants envers les autres".
Dans la pièce "Djihad", Ismaël Saidi, qui a gardé son prénom comme les deux autres acteurs, Reda et Ben, s'est radicalisé car on l'a empêché de vivre sa passion, le dessin.
"C'était un samedi, à l'école arabe. (...) Le professeur avait découvert mes dessins et il m'a giflé. Il m'a lu un hadith (parole ou acte rapporté du prophète Mahomet, NDLR) qui dit que les dessinateurs iront en enfer", raconte sur scène son personnage.
Il cesse de dessiner pour ne pas devenir un mécréant, se réfugie dans la religion puis bascule dans l'extrémisme.
Reda, lui, était amoureux depuis l'école secondaire d'une Belge, Valérie: "Maman m'a dit que Valérie, c'était juste pour jouer, mais pour la vraie vie, il faut une musulmane (...) C'est pour cela que je l'ai quittée".
Quant à Ben, il était fan d'Elvis. Mais en arrivant sur la tombe du King, il s'aperçoit que ce dernier s'appelait Aaron, un prénom juif. "Même la musique que j'écoutais était l'instrument du +complot sioniste mondial+", lance-t-il, en route pour la Syrie.
Jouée pour la première fois à Bruxelles le 26 décembre 2014, "Djihad" ne devait durer que cinq représentations. Devant l'ampleur de son succès, elle a été prolongée et près de 45.000 spectateurs l'ont désormais applaudie. Elle sera présentée en France, à Lyon, en janvier prochain.
Les deux autres acteurs, Reda Chebchoubi et Ben Hamidou, comme Ismaël Saidi d'origine marocaine, ont aussi grandi à Bruxelles, le dernier à Molenbeek-Saint-Jean, dans la même commune que le suspect clé traqué depuis les attentats de Paris, Salah Abdeslam.
Sur scène, ils utilisent le même langage et les mêmes références que les jeunes de leurs quartiers, ce qui rend la pièce d'autant plus accessible à un public très mélangé.
"J'ai écrit cette pièce pour ma mère et mes gosses", explique le scénariste. Selon lui, elle s'adresse à tous, à partir de 12 ans. Toujours suivie d'un débat avec les acteurs, elle permet d'évoquer la radicalisation avec le public. Beaucoup d'élèves ont déjà assisté à une représentation.
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