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DOSSIER: La recherche en ligne, largement définie par Google, est devenue un outil du quotidien mais la vague de l'intelligence artificielle générative pourrait la transformer radicalement

Par Julie JAMMOT

La recherche en ligne, largement définie par Google, est devenue un outil du quotidien aussi banal qu'un réfrigérateur. En 25 ans son fonctionnement n'a changé qu'à la marge, mais la vague de l'intelligence artificielle (IA) générative pourrait la transformer radicalement. Déjà, les requêtes formulées avec des mots-clefs ("gîte Bretagne enfants") et les listes de liens renvoyant vers des sites web semblent démodées par rapport aux conversations que des millions de personnes ont avec des interfaces comme ChatGPT (OpenAI) ou Bard (Google).

"Les gens sont en train de réaliser à quel point ils se servent de Google non pas pour trouver une page web, mais pour répondre à une question", constate Stefan Sigg, directeur des produits chez Software AG. Microsoft a ouvert le bal en intégrant un chatbot (modelé sur ChatGPT) à Bing, son moteur de recherche.

Le nouveau Bing, ouvert au grand public la semaine dernière après trois mois de test, répond directement aux questions des utilisateurs avec un résumé succinct des informations disponibles, suivi par des liens et des idées de relances pour discuter directement avec le robot conversationnel. Celui-ci peut ensuite dresser des tableaux comparatifs entre deux produits, proposer un planning d'activités, rédiger une évaluation ou aider à préparer un entretien d'embauche, par exemple. 

Plus besoin de décomposer une requête en mots-clefs, le moteur de recherche va "faire le gros du travail pour vous", a promis mercredi Cathy Edwards, vice-présidente de Google chargée de l'ingénierie. Elle a présenté la nouvelle mouture de la plateforme centrale du web, similaire à celle de son rival Microsoft: quelques paragraphes de réponse rédigés et la possibilité d'affiner les résultats avec des questions supplémentaires.

Ce Google gonflé à l'IA générative va progressivement être ouvert à des utilisateurs aux Etats-Unis, pour commencer. "Nous essayons de rendre le processus plus naturel et intuitif, aussi facile que de poser une question à un ami qui serait un expert dans tous les domaines", a expliqué à l'AFP Elizabeth Reid, vice-présidente de Google chargée du moteur de recherche. Les deux géants des technologies ont commencé à ajouter des outils d'IA générative dans leurs différents services, du cloud à la bureautique, pour faire de ces robots conversationnels des "copilotes", selon la formule martelée par Microsoft.

"La recherche va être fracturée en un million de morceaux et intégrée dans de nombreuses interfaces et non plus restreinte à ce carrefour centralisé, monolithique qu'est devenu Google", analyse John Battelle, auteur et entrepreneur dans les médias. Mais si chaque site web et application interagit avec les citoyens et consommateurs à travers un chatbot qui s'exprime comme un humain professionnel et convaincant, il va devenir encore plus difficile qu'actuellement de séparer le bon grain de l'ivraie.

"Est-ce que vous feriez confiance à l'agent d'un site de voyages pour vous trouver l'option la plus avantageuse ? Non", lance John Battelle. "C'est pour ça que je veux mon propre +génie+, mon agent personnel, pour négocier avec les services. Si c'est juste moi contre l'IA, je vais perdre", continue-t-il. 

Replika, Anima et d'autres proposent déjà des IA "compagnons", des chatbots faisant office d'amis virtuels. Mais John Battelle rêve d'avoir un "génie", qui récolterait ses informations partout - sur son smartphone, son ordinateur, sa télévision, sa voiture - pour répondre à ses questions et exécuter des tâches. Comme d'acheter le meilleur aspirateur en fonction de ses goûts, habitudes et promotions en cours, après un bref échange, au lieu d'une longue et fastidieuse recherche en ligne.

De tels modèles de langage, entraînés sur les données personnelles, seraient nécessairement payants pour garantir la confidentialité de ces informations qui, aujourd'hui, servent à cibler les internautes avec de la publicité. Dans l'immédiat, Google ne va pas disparaître, tempère Jim Lecinski, professeur de marketing à la Kellogg School of Management.

"Il y a quatre ans, avec l'arrivée des assistants vocaux, Google, Alexa (Amazon), Siri (Apple), on se disait que les gens n'allaient plus parler qu'aux machines", rappelle-t-il. L'irruption de l'IA générative pourrait cependant remettre en question le modèle économique d'internet, car elle peut permettre aux utilisateurs de trouver le produit qu'ils désirent "sans avoir à cliquer sur une publicité", souligne Jim Lecinski.

Mais il ne doute pas que les entreprises concernées trouvent des solutions. Dans le nouveau Google présenté mercredi, les publicités apparaissent toujours, soit en premier, soit plus bas dans les résultats, selon la question posée. "On ne peut pas prédire le futur, mais je pense que les pubs vont continuer à jouer un rôle vital", a assuré Elizabeth Reid.

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