19/12/2020 13:31

Des élèves à la traîne depuis la rentrée constatent certains professeurs: Manque de concentration, dépendance aux écrans, rédaction confuse...

Manque de concentration, dépendance aux écrans, rédaction confuse... Depuis la rentrée, de nombreux enseignants du primaire et du secondaire observent une baisse du niveau scolaire due au confinement et d'importantes disparités entre les élèves, dont certains "ont cessé d'apprendre".

En septembre, Charles-Edouard, professeur d'histoire-géo à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), a récupéré des élèves de 3e avec "l'impression qu'ils avaient sauté une classe mais sans les connaissances".

"Le début d'année a été catastrophique. Les enfants dont les parents ne parlent pas la langue française ne comprenaient plus les consignes", raconte Sandrine, maîtresse de CP depuis plus de 20 ans dans une école classée en REP (Réseau d'éducation prioritaire) en Ile-de-France.

L'institutrice a dû faire "un énorme travail sur le langage" en consacrant chaque jour 45 minutes autour d'une histoire avec des images et du vocabulaire.

La méthode a porté ses fruits: "en décembre, j'en suis au même point qu'avec mes élèves de l'année dernière en lecture et en écriture", se réjouit-elle, même si elle avoue "ramer en maths".

Romain Navarro, professeur de mathématiques au collège Jean-Jaurès à Clichy (Hauts-de-Seine), enseigne "quasiment le même programme" à ses 5e et 4e.

"Les chapitres qui ont été vus pendant le confinement n'ont pas du tout été assimilés alors je reprends au fur à mesure les notions", assure l'enseignant de 29 ans pour qui "les trois mois perdus" du premier confinement sont "rattrapables".

L'ensemble des enseignants du primaire et secondaire interrogés notent unanimement "une baisse de niveau" notamment en rédaction et "la perte des codes de l'école" comme "l'écoute, la concentration ou le savoir-vivre ensemble".

Pour Catherine Verdier, psychologue pour enfants et adolescents, "la santé mentale des enfants est fortement impactée par le confinement" mais aussi par "le manque d'activités extrascolaires" ou "l'environnement anxiogène".

"Ils ont besoin de calme, de se recentrer car ils sont dispersés", analyse la thérapeute qui estime que "si cette crise sanitaire se poursuit trop longtemps, on n'en sortira pas indemne car les enfants ne grandissent pas sereinement".

Outre le faible niveau des élèves, la crise sanitaire et son corollaire, l'enseignement en ligne, a aggravé les disparités entre les élèves.

"Je n’arrive pas à instaurer un rythme. Les élèves ne suivent pas les cours en ligne, il y a des trous dans leurs cahiers. C'est brouillon dans leur tête comme dans leur travail", observe Raphaël, professeur d'histoire-géo dans un lycée à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis).

Sa classe de première technologique a "complètement décroché, ils ont cessé d'apprendre", reconnaît le professeur, en poste depuis six ans dans ce lycée. Il ressent depuis peu "une perte de sens dans (son) travail".

L'autre conséquence de l'apprentissage en distanciel est "la dépendance numérique des élèves".

Au temps d'écran sur le téléphone s'ajoute celui du temps scolaire. Cela entraine une perte de concentration, une expression écrite confuse et une certaine incapacité à se repérer dans un ouvrage.

Face aux difficultés, de nombreux professeurs ont réclamé des ajustements dans les programmes.

Pour l'oral du bac, Jérôme Martin, professeur de français au lycée Paul-Eluard à Saint-Denis, va préparer moins de textes. "C'est encore une année spéciale, on va faire au mieux", dit-il.

Il note depuis septembre que les élèves "ont perdu en autonomie (...) J'ai donné un livre par mois à lire, en décembre, j'ai constaté que personne n'en avait lu un".

Le crise sanitaire a également été un révélateur des inégalités qui se creusent au fil des confinements, note Charles-Edouard, le professeur d'histoire-géo en banlieue parisienne.

"En classe, les élèves partent plus ou moins d'un même pied d'égalité avec une table et une chaise mais à la maison certains partagent un ordinateur avec plusieurs frères et soeurs", explique l'enseignant de 32 ans.

Des "grosses différences de niveau entre les élèves des classes populaires et aisées" ont été constatés dès la rentrée par Romain Navarro, prof de maths dans les Hauts-de-Seine.

"Avec le confinement, les meilleurs sont devenus meilleurs car beaucoup plus autonomes et les moins bons sont devenus encore moins bons", résume une directrice d'établissement de la région Rhône-Alpes.

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Vos réactions

Portrait de bib
19/décembre/2020 - 19h00

Cher Gorafi, vous êtes très terre à terre smiley

Portrait de Nasuko
19/décembre/2020 - 16h15

Cela peut se comprendre. Les écarts de niveau ne vont qu’augmenter. Il faudrait que tous les parents sachent qu'en général la différence entre les bons et moins bons ne se fait pas en cours mais le soir avec le travail personnel. Ceux qui étaient déjà bons étaient ceux qui avaient l'habitude de travailler chez eux (soit tout seul pour les quelques-un plus matures sinon avec les parents qui leur collaient aux baskets pour la majorité) et les moins bons étaient ceux sans la maturité pour bosser tout seul et dont les parents n'étaient pas assez impliqués. Du coup pour les derniers, les 3 mois de confinement basés uniquement sur du travail personnel et sans les parents derrière, ça a été 3 mois de glandage. Et c'est vrai que déjà à mon époque sans le net j’arrivais à trouver tout un tas d'occupations pour glander, je n'imagine même pas la tentation avec le net et les smartphones pour les gamins de maintenant.

Portrait de bib
19/décembre/2020 - 15h14

Texte instructif. Modeste vacataire dans le supérieur, je m'étais rendu compte à mon niveau de ce décrochage depuis juin lors des examens et à la rentrée lors des tests de niveau.

Quand on pense qu'il y a eu 95% de réussite au bac...

Faire un enfant est une responsabilité des parents.

Les profs essayent de raccrocher les wagons mais c'est souvent lutter contre la marée. On y arrive s'il y a de la volonté.

L'addiction à internet et aux applis genre tik tok est terrible car beaucoup trop n'arrivent pas à soutenir une attention sur une durée supérieure à 30 secondes.

Et du coup, le programme doit être nivelé par le bas (exemple de ceux qui n'arrivent pas à lire un livre par mois).

Sans compter le non respect de l'autorité de l'enseignant (un des aspects du drame de Samuel Paty).

Par contre, pour revendiquer, on retrouve de la voix. Comme ceux qui ne voulaient pas passer des partiels sous prétexte du non respect de la protection sanitaire, qui ont obtenu gain de cause. Mais qui ont été dégoûté en lisant le devoir qui ne comportait que des questions de cours.

Il parait que la terre tourne (sur elle-même).