24/10/2016 14:31

Rémy Pflimlin, ex-patron de France Télévisions, répond au rapport rendu aujourd'hui par la Cour des Comptes

Ce matin, la Cour des Comptes a rendu un rapport sévère concernant France Télévisions.

Entre 2009 et 2015, le groupe ne s'est pas assez réformé et a laissé sa situation financière se dégrader, rendant "impérative" une réduction plus rapide des charge : mauvaise gestion, réformes trop timides surtout dans les rédactions, achats peu contrôlés, salaires qui dérapent notamment chez les journalistes, chiffrages flous pour la chaîne d'info, pratiques parfois douteuses pour l'achat de programmes, absentéisme, retard dans le numérique...

Rémy Plimlin, qui a dirigé France Télévisions entre août 2010 et août 2015, a tenu à réagir au rapport.

"Sur une base très factuelle, la situation de l’entreprise, malgré le plus grand choc organisationnel et économique de son histoire, est largement plus saine et claire en 2015 qu’en 2010. Les observations de la Cour ne rendent pas suffisamment compte des progrès réalisés par l'entreprise et ses salariés sous mon mandat, et je regrette notamment que les avancées reconnues dans le contenu du rapport ne soient pas reprises dans ses titres", explique-t-il.

Et d'ajouter : "Comme le veut la procédure, ma réponse aux observations de la Cour est annexée à la fin de ce rapport. Au-delà des éléments précis figurant dans cette note, je souhaite souligner plus particulièrement certains points déterminants au regard des quatre enjeux essentiels qui se sont imposés à l’occasion de mon mandat".

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Voici la réponse de Rémy Plimlin au rapport rendu ce jour par la Cour des Comptes

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1. Refonder le lien historique avec les téléspectateurs à travers notamment une offre d’information et de création plus actuelle, dans un contexte hyperconcurrentiel marqué par la multiplication des chaînes (généralisation de la TNT en 2011, lancement de 6 nouvelles chaînes fin 2012).
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La part d’audience globale de FTV s‘élevait à 29,9 % en 2011 ; elle était toujours de 29,2 % en 2015, en dépit d’une concurrence massivement accrue sur la TNT ; dans le même temps, le groupe TF1 est passé de 29,1 à 27,7 % et le groupe M6 de 14,2 à 13,6 %, malgré le lancement de HD1 et 6Ter en 2012. Les chaînes historiques de France Télévisions ont su mieux s’adapter, France 2 et France 3 ne concédant respectivement que 0,6 et 0,5 point contre 2,3 pour TF1 et 0,9 pour M6. France 2 a même connu deux années de hausse successives en 2014 et 2015.
Cette trajectoire fut le résultat, non d’une tentative d’imiter l’offre privée, mais bien du renforcement des genres les plus emblématiques du service public : la fiction, qui a obtenu en 2015-2016 ses meilleurs résultats en audience depuis 9 ans sur France 2 comme sur France 3, grâce à des formats modernisés (Les Témoins, Chefs, La Vie Devant Elles, 10% par ex)  ; l’information, qui a vu le service public s’affirmer comme le média de la présidentielle de 2012, l’écart d’audience entre les journaux de 20h de F2 et de TF1 se resserrer continûment et de nouveaux magazines rencontrer leur public tels que Des Paroles et Des Actes ou Cash Investigation.
Au-delà de ces deux piliers, je pense avoir conforté le lien entre France télévisions et ses publics en affirmant mieux l’identité des chaînes, en sécurisant les droits des grandes compétitions sportives consubstantielles de l’offre de service public (JO jusqu’en 2020, notamment) tout en développant la présence des compétitions féminines, et en installant de grands rendez-vous culturels et populaires, tels l’émission Prodiges ou le Concert de Paris, qui ont réuni un téléspectateur sur cinq en première partie de soirée.
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2. Tourner résolument France Télévisions vers son avenir, en conduisant sa transformation digitale, qui accusait un retard notable à ma nomination, afin de construire un lien fort avec les publics plus jeunes, moins attachés aux modes de diffusion traditionnels, et qui représentent l’avenir de la télévision publique.
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J’ai ainsi installé, au cours de mon mandat, une offre complète de référence, reposant sur le déploiement de la télévision de rattrapage sur tous les terminaux fixes et mobiles (Pluzz), l’installation d’offres verticales ayant rencontré leur public (francetvinfo, culturebox, francetvsport...), sur une stratégie résolue d’hyper-distribution, en particulier sur les réseaux sociaux, et sur de « nouvelles écritures » régulièrement primées. 
France Télévisions est ainsi passée en 5 ans de 7 millions à 200 millions de vidéos vues par mois sur internet ; FrancetvInfo s’est pour sa part installée en 3 ans dans le top 5 des offres numériques d’information, à la première place des médias audiovisuels et avec une audience se rapprochant de celles des plus grands sites, notamment de la presse quotidienne.
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3. Faire mieux avec moins, en rendant chaque année des comptes en amélioration par rapport aux budgets votés par le conseil d’administration.
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France Télévisions a connu en 2012-2013 le choc budgétaire le plus important de son histoire : diminution des concours publics et crise publicitaire, se traduisant par une baisse cumulée de 350 M€ en 2015 par rapport à ce que prévoyait le contrat d’objectifs et de moyens (COM) signé en 2011, soit plus de 10 % de ses ressources. 
J’y ai fait face en choisissant de ne sacrifier aucune des missions de la télévision publique, et en décidant un effort d’économies inédit, inscrit dans l’avenant au COM signé avec l’Etat en 2013 : diminution des effectifs de 750 emplois entre 2012 et 2015, renégociation à la baisse des contrats avec les producteurs, réduction des frais généraux et du train de vie. J’ai néanmoins choisi de préserver les dépenses de création, maintenues au-dessus de 400 M€ par an.
Chaque année de mon mandat, sans exception, les comptes ont été meilleurs que le budget voté par le Conseil d’Administration. Notamment, sur les trois exercices de 2013 à 2015, nos efforts de gestion ont permis une amélioration de 140 M€ par rapport aux budgets votés par le Conseil d’Administration. Car France Télévisions a encore connu une diminution supplémentaire de ses ressources de 90 M€ par rapport aux prévisions de l’avenant au COM. Et les pertes - convenues avec l’Etat pour les seuls exercices 2013 et 2014 afin de préserver les missions du groupe et de poursuivre sa transformation, inscrites sur une trajectoire de retour progressif à l’équilibre - ont été contenues à un niveau inférieur de 50 M€ par rapport au budget. Enfin, l’objectif d’un retour à l’équilibre dès 2015 a été respecté, France Télévisions réalisant un bénéfice net sur cette dernière année de ma présidence.
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4. Mener à bien la réorganisation de l’entreprise et refonder ses accords collectifs
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A mon arrivée en août 2010, France Télévisions était juridiquement unifiée, mais toujours soumise à un enchevêtrement de conventions et accords collectifs antérieurs à la fusion. Les outils unifiés de pilotage opérationnel étaient absents ou défaillants (contrôle et informatique de gestion). Surtout, les salariés étaient profondément désorientés par cette réorganisation trop précipitamment engagée en 2009.
J’ai choisi de relancer autrement la construction de l’entreprise unique, considérant la dimension humaine comme l’essentiel pour réussir.
L’accord collectif que les partenaires sociaux ont tous accepté de signer en 2013 a réformé 30 ans de relations sociales dans la télévision publique. Il a mis un terme aux anciennes modalités du paritarisme et aux augmentations automatiques des salaires au profit d’une refondation des règles accompagnant le développement des parcours et des compétences. Nous avons enfin pris en compte de façon volontariste les enjeux de parité et de diversité (France Télévisions a obtenu alors le label Diversité de l’Afnor).
Parallèlement, le rapprochement des rédactions nationales (France 2 et France 3 notamment) - envisagé mais sans cesse repoussé depuis des décennies - a été engagé dès 2012 avec l’harmonisation et la réunification des moyens techniques, qui en constituait le préalable essentiel, puis par le lancement du processus nommé Info 2015 visant au rapprochement des rédactions elles-mêmes. C’est une réforme historique, dont je me félicite qu’elle se poursuive aujourd’hui.
Entre 2010 et 2015, malgré bien des bouleversements et des doutes, France Télévisions aura emprunté d’un pas décidé le chemin de sa réforme, proposant une télévision de qualité au plus grand nombre, entrant pleinement dans l’ère numérique, et convaincue de la nécessité de faire mieux avec moins. De toute évidence, certains aspects du fonctionnement de l’entreprise appellent encore des améliorations ; la Cour des Comptes les relève, parfois avec justesse. Et je me félicite du fait que Delphine Ernotte s’attache à y apporter des réponses. Mais passer sous silence les acquis nombreux des années récentes ne me semblerait pas juste.
Non sans leurs propres contraintes, la nouvelle Présidente de France Télévisions et ses équipes poursuivent la modernisation de l’entreprise en s’appuyant sur les compétences de tous les salariés et sur la passion qui les anime de faire encore et toujours progresser la télévision publique. Pour les y encourager, les résultats déjà positifs de France Télévisions doivent être équitablement reconnus.
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Portrait de Caramella
25/octobre/2016 - 10h49
Qu'il aille se cacher