16/05/2014 09:47

Un reportage d'"Envoyé Spécial" consacré à Grenoble attaqué en diffamation

Un reportage d'"Envoyé spécial" sur la Villeneuve de Grenoble a été au cœur d'un procès en correctionnelle jeudi, des habitants de ce quartier sensible s'estimant diffamés par un documentaire qualifié d'"accumulation de clichés".

Environ 200 habitants du quartier, ainsi que plusieurs conseillers municipaux, avaient pris place sur les bancs de la salle d'audience et dans le hall du tribunal de Grenoble pour dénoncer ce reportage intitulé "Villeneuve : le rêve brisé", diffusé le 26 septembre dernier sur France 2.

Un élu et des habitantes du quartier se sont succédé à la barre pour faire part de leurs griefs. "C'est un reportage qui a choisi un angle très stigmatisant, qui a choqué beaucoup de monde", a ainsi déclaré Jérôme Safar, ancien adjoint au maire (PS) de Grenoble.

Cité expérimentale des années 1970, la Villeneuve de Grenoble, théâtre d'émeutes en avril 2010, est dépeinte dans ce documentaire comme un quartier gangrené par la violence. On y voit notamment un jeune masqué tirer de nuit sur un panneau avec une arme à feu en plein cœur du parc central.

"C'est une accumulation de clichés (...) un reportage à charge qui manque complètement d'objectivité", a fustigé Me Thomas Fourrey, avocat de l'association d'habitants poursuivant France Télévisions.

Il a évoqué une "volonté délibérée de stigmatiser le quartier" et a rappelé que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) avait reproché à France 2 un "manquement" à ses "obligations déontologiques" pour ce reportage "pas suffisamment équilibré".

- 'Abus de confiance' ? -

Une habitante, filmée dans le reportage, a dit avoir été "très surprise" par le montage final, qui "n'avait rien à voir avec ce qu'on avait dit".

"Ce reportage nous porte gravement préjudice", a abondé Pauline Damiano, présidente de l'association d'habitants, en évoquant les "jeunes à qui on refuse un entretien d'embauche".

"C'est une caricature tellement énorme qu'on s'est dit: +cette fois-ci, on va se défendre+", a expliqué Mme Damiano.

Les habitants ont rédigé une pétition, écrit au CSA et au médiateur de France Télévisions et demandé un droit de réponse. "On n'a pas été entendu, on a été traité par le mépris", a estimé Pauline Damiano. Cette démarche en justice, "c'est la dernière solution pour faire entendre notre indignation", a-t-elle ajouté.

"Je ne nie pas qu'à Villeneuve, il y a des problèmes sociaux importants, des voitures qui brûlent, qu'il peut y avoir parfois du trafic. Mais Villeneuve c'est bien plus que ça", a-t-elle dit.

L'auteur du documentaire, Amandine Chambelland, et le président de France Télévisions, Rémy Pfimlin, appelé à la barre, n'avaient pas fait le déplacement.

L'avocat de France Télévisions, Me Eric Semmel, a cependant expliqué que l'angle du reportage était "d'aller sur le terrain pour constater un état de violence que personne ne conteste dans ce quartier de Grenoble".

Il a par ailleurs pourfendu une "opération de communication, un défouloir". "Je ne pense pas qu'un prétoire correctionnel soit le bon endroit pour (...) exorciser ses sentiments", a-t-il dit, en demandant la condamnation de l'association pour "procédure abusive".

"C'est presque plus un abus de confiance qu'une diffamation", a relevé la procureure, en remarquant que les habitants s'étaient sentis "trahis" par ce documentaire.

A l'instar de la défense, elle a pointé le "problème crucial" de la recevabilité de la constitution de partie civile de l'association qui "n'est pas citée dans le reportage et ne peut par conséquence pas être considérée comme victime directe" d'une éventuelle diffamation.

Le tribunal a mis son jugement en délibéré au 26 juin.

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Vos réactions

Portrait de DarkAngel
20/mai/2014 - 10h49

Envoyé spécial abuse parfois