06/02/2021 11:31

Paria en France depuis son retentissant divorce avec la LFP, le groupe sino-espagnol Mediapro a réussi à sauvegarder sa relation avec le foot espagnol malgré une réputation entachée

Paria en France depuis son retentissant divorce avec la Ligue française de football professionnel (LFP), le groupe sino-espagnol Mediapro a réussi à sauvegarder sa relation avec le foot espagnol malgré une réputation entachée. Alors qu'en France, l'affaire est remontée jusqu'au palais présidentiel, elle a fait peu de bruit en Espagne, où le groupe dirigé par Jaume Roures détient une partie des droits télévisés du championnat espagnol, ceux lui permettant de diffuser les rencontres dans les bars et hors d'Espagne. "J'ai confiance en Mediapro", a assuré fin janvier Javier Tebas, le président de la Liga, lors d'un entretien à l'AFP. La ligue espagnole et Mediapro ont toutefois dû renégocier à la baisse les termes de leur contrat alors que des milliers de bars ont fermé en Espagne en raison de la pandémie. 

"On n'a eu aucun problème entre LaLiga et Mediapro, parce qu'on a renégocié ce qu'il fallait renégocier. Personne n'a dit qu'il fallait arrêter ce contrat parce que les bars sont fermés. Ce qu'il faut savoir, c'est que quand on a une crise comme celle-là, certaines choses doivent être renégociées", a souligné M. Tebas sans dévoiler de chiffres. Une situation qui contraste avec le psychodrame déclenché en France par la rupture entre la LFP et Mediapro, incapable d'honorer à l'automne les paiements prévus en échange du droit de diffusion des matches sur la chaîne Téléfoot, acquis en 2018 pour plus de 800 millions d'euros.

Pour Francesc Rufas, spécialiste en marketing sportif, le foot espagnol a tout intérêt à ne pas reproduire le scandale français pour ne pas se mettre en danger. "Ils n'ont rien à gagner à donner l'impression que certains clubs, ou la Liga, pourraient avoir des problèmes pour toucher l'argent" des droits télévisés, explique-t-il. La ligue espagnole a donc choisi, selon lui, d'éviter le clash, dans un contexte très difficile pour le football européen, où les matches à huis clos perdent de leur intérêt pour un public qui ne peut aller ni au stade ni dans les bars en raison de la pandémie. "La Liga préfère gagner moins, mais gagner quand même", affirme M. Rufas. "S'il y avait eu une renégociation à la baisse (en France), Mediapro aurait payé. Moins, mais ils auraient payé", pense-t-il. 

Le poids économique de Mediapro est toutefois moins important en Espagne puisque les droits de diffusion domestique du championnat espagnol (hors bars) ne sont plus détenus par ce groupe mais par le groupe de télécommunications Telefonica, qui s'en est emparé en 2018 via sa filiale Movistar. Pas de risque donc pour les Espagnols de se voir privés des retransmissions des matches chez eux, même si une défaillance de Mediapro aurait un impact financier pour la Liga. L'influence de Mediapro "n'est plus ce qu'elle était, maintenant c'est Movistar qui a la part du lion en termes de droits sportifs", explique Joan Celma, spécialiste de la gestion des entreprises sportives.

Mais "sa crédibilité est touchée", estime M. Celma, d'autant qu'elle survient après la perte des droits de la Serie A italienne en 2018, faute d'avoir apporté des garanties bancaires suffisantes. Mediapro s'est malgré tout de nouveau porté candidat dans ce pays. La trésorerie du groupe, qui tourne autour de 90 millions d'euros, reste "faible", estimait fin janvier Moody's. L'agence de notation financière soulignait en outre qu'elle pourrait souffrir des "coûts de démantèlement des opérations en France" et d'éventuels contentieux judiciaires avec les opérateurs télécoms français comme Free ou SFR qui comptaient sur la diffusion de Telefoot. L'avenir du groupe est en grande partie entre les mains de son actionnaire majoritaire chinois, le fonds Orient Hontai Capital, qui a impulsé la stratégie "agressive" d'acquisition de droits "sans lui fournir les liquidités suffisantes", rappelle Francesc Rufa.

Mediapro, qui dit tirer environ un tiers de ses revenus des droits TV, a continué son activité de production de films et séries malgré les remous français, produisant par exemple en 2020 le dernier Woody Allen, ainsi que El Buen Patron, tourné à l'automne avec Javier Bardem par Fernando Leon de Aranoa. Le réalisateur espagnol a assuré à l'AFP avoir une "relation stable et de confiance depuis vingt ans avec Mediapro, ce qui n'est pas habituel dans ce milieu".

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