10/05 16:31

Avec les droits de douane que Donald Trump souhaite imposer aux films produits hors des Etats-Unis, le président joue sur l'angoisse d'une industrie déboussolée face à une compétition internationale de plus en plus féroce

Par Romain FONSEGRIVES

Hollywood doit-il renoncer à son hégémonie sur la production audiovisuelle mondiale ? Avec les droits de douane que Donald Trump souhaite imposer aux films produits hors des Etats-Unis, le président américain joue sur l'angoisse existentielle d'une industrie déboussolée face à une compétition internationale de plus en plus féroce.

"L'industrie cinématographique américaine est en train de MOURIR à une vitesse fulgurante", s'est plaint le milliardaire républicain, en dénonçant les multiples avantages fiscaux offerts par quantité de pays étrangers pour tourner un film ou une série. Le remède qu'il propose fait polémique, mais son inquiétude est largement partagée: Hollywood n'est plus l'épicentre mondial du cinéma et des séries comme il y a 30 ans.

La pandémie a renforcé la tendance du grand public à snober les cinémas pour regarder les productions chez soi. Les revenus des DVDs n'existent plus et la guerre du streaming, pendant laquelle les studios investissaient sans regarder avec l'espoir d'imiter le succès de Netflix, est terminée. Avec cette pression sur leurs sources de revenus, studios et plateformes sont très attentifs aux économies qu'ils peuvent réaliser en tournant hors des Etats-Unis.

Royaume-Uni, France, Allemagne, Australie, Hongrie ou encore Thaïlande: les pays qui les courtisent ne manquent pas. Cette tentation s'est accrue pendant la grève des acteurs et des scénaristes, qui a paralysé Hollywood pendant la moitié de l'année 2023, rappelle Steve Weizenecker.

"Pendant les grèves, j'avais des productions qui sont parties au Royaume-Uni, en France, en Italie et en Espagne, parce qu'elles ne pouvaient pas tourner ici", confie à l'AFP cet avocat spécialisé, qui aide à monter le financement de nombreux films en profitant des incitations fiscales disponibles partout sur la planète. 

"Le souci maintenant, c'est de savoir: comment les ramène-t-on ici?", ajoute-t-il. A Los Angeles, le nombre de jours de tournage a atteint un plus bas historique en 2024 - si l'on exclut le gel complet de la production provoqué par la pandémie en 2020. Les autres chiffres compilés par l'organisation Film LA, qui observe l'industrie depuis 30 ans, en disent long sur la perte de vitesse d'Hollywood. Moins d'un film ou d'une série télévisée sur cinq (19,4%) diffusé aux Etats-Unis est produit en Californie.

Pour les années à venir, Toronto, le Royaume-Uni, Vancouver, l'Europe centrale et l'Australie arrivent devant le "Golden State" comme lieu de tournage préféré par les dirigeants de l'industrie audiovisuelle. La concurrence n'a jamais été aussi intense: en 2024, 120 juridictions dans le monde offraient des incitations fiscales à la production cinématographique et télévisuelle, près de 40% de plus qu'il y a sept ans.

La compétition a commencé en 1995, lorsque le Canada a introduit un crédit d'impôt, se souvient M. Weizenecker. "C'est là que le terme +runaway production+ ("fuite de la production", ndlr) a commencé à être utilisé, car tout à coup, les producteurs n'étaient plus obligés de tourner en Californie ou à New York", raconte cet avocat, basé en Géorgie.

Le succès canadien a ensuite engendré une compétition entre des dizaines d'Etats américains. Parmi les plus connus, la Géorgie, où sont tournés de nombreux films de super-héros Marvel, offre un crédit d'impôt depuis 2005. Le Nouveau-Mexique, qui a servi de décor à la série "Breaking Bad" fait de même depuis 2002.

Et le Texas, qui propose des avantages fiscaux depuis 2007, souhaite augmenter le budget alloué à ces financements. "Tout comme Detroit a perdu son emprise sur l'industrie automobile, la Californie a perdu sa position dominante, principalement à cause de son arrogance et de son incapacité à comprendre qu'il existe toujours des alternatives", commente mardi Bill Mechanic, un ex-cadre de Paramount et Disney, auprès du site Deadline.

Mais pour ce producteur, les droits de douane proposés par Donald Trump ne feraient qu'éteindre un peu plus le cinéma indépendant, en augmentant les coûts de production d'Hollywood.

"Si Trump s'en souciait vraiment, il créerait un programme fédéral d'incitations" fiscales, estime-t-il. Une solution envisagée lundi soir par le gouverneur de Californie, Gavin Newsom. Le démocrate a proposé un plan fédéral de 7,5 milliards de dollars pour soutenir le secteur dans les 50 Etats américains, sous forme de crédit d'impôt.

Ça peut vous interesser

Ailleurs sur le web

Vos réactions

Portrait de Touché01
11/mai/2025 - 07h20

Relocaliser les tournages aux usa ce sera le retour des dizaines de milliers d'emplois pour le cinéma qui étaient donnésà l'étranger.

Cela apportera en plus un bonus touristique aux lieux de tournages américains mis en valeur dans les films.