05/11/2022 14:02

Une soixantaine de phénomènes douteux ont été recensés sur les plateformes numériques lors des élections françaises en 2022, selon la structure gouvernementale Viginum

Par Benoit TOUSSAINT

Une soixantaine de phénomènes douteux ont été recensés sur les plateformes numériques lors des élections françaises en 2022, a annoncé Viginum, la structure gouvernementale chargée de déceler les ingérences numériques étrangères. "Au cours de ses opérations de protection du débat public numérique touchant aux élections présidentielle et législatives 2022, Viginum a détecté 60 phénomènes inauthentiques sur les plateformes numériques", selon le premier rapport annuel de Viginum, lancée à l'été 2021.

Douze d'entre eux ont fait l'objet d'investigations approfondies et cinq ont finalement été caractérisés comme des ingérences numériques étrangères, des phénomènes qui se sont multipliés dans le monde ces dernières années. Sollicitée par l'AFP, Viginum n'a toutefois pas souhaité donner plus de détails sur le pays d'origine de ces ingérences ou sur les plateformes employées.

Cette première année d'activité a consisté en "une montée en puissance, et permis de préparer et s'assurer que la présidentielle se passait bien", a affirmé à l'AFP une source proche du dossier. Un "phénomène inauthentique" se caractérise par la diffusion d'informations - fausses ou trompeuses - de manière "artificielle ou automatisée, massive et délibérée", rappelle le rapport de quarante pages qui ne donne - en tout et pour tout - qu'un seul exemple de tentative de manipulation numérique étrangère lors d'une campagne électorale. En mars 2022, soit juste avant le premier tour de la présidentielle française, Viginum dit ainsi avoir constaté la propagation rapide, sur plusieurs plateformes de réseaux sociaux, de contenus (écrits, images, vidéos) manifestement inexacts ou trompeurs.

Ces contenus évoquaient un supposé recours, par le gouvernement français, à des machines à voter d'une société canadienne, accusée par certains courants activistes nord-américains d'avoir participé à une fraude électorale ayant conduit à la défaite de l'ex-président américain Donald Trump. "Avant que cette manoeuvre informationnelle ne prenne de l'ampleur, les services du ministère de l'Intérieur ainsi que plusieurs médias ont très rapidement démenti cette information mensongère", souligne dans le rapport le lieutenant-colonel Marc-Antoine Brillant, chef de service adjoint de Viginum.

Viginum, qui emploie une quarantaine d'agents, a par ailleurs conduit "de nombreuses opérations afin de sécuriser le débat public numérique touchant à divers évènements d'actualité nationale ou internationale susceptibles d'être instrumentalisés par des acteurs étrangers malveillants, tels que la guerre en Ukraine ou l'action de la France au Sahel", poursuit le rapport. Les ingérences numériques, tentatives de manipulation des opinions sur les réseaux sociaux ou actions de piratage, se sont multipliées dans les campagnes électorales occidentales ces dernières années. Parmi les cas les plus emblématiques : les ingérences en provenance de Russie pendant la présidentielle américaine de 2016, qui ont fait l'objet d'une enquête approfondie des autorités américaines. 

De sources sécuritaires concordantes, le camp pro-russe est aussi régulièrement impliqué dans des opérations d'ingérence au sein de la vie politique française ou encore en Afrique. La "galaxie Prigojine", du nom du fondateur russe de la société paramilitaire Wagner réputé proche du Kremlin, est notamment très active sur les réseaux sociaux. "Le camp russe nous a embêtés pendant les campagnes électorales (présidentielle et législatives), via des faux comptes pro ou anti-gouvernement au Mali, au Sénégal, au Bénin et en RCA. Mais ça n'a pas pris", confiait en juillet à l'AFP une source proche du dossier.

Mais la Russie n'est pas le seul pays soupçonné de tenter de manipuler les opinions. Par le passé, l'Élysée avait ainsi mandaté une cellule baptisée "Task Force Honfleur" pour enquêter sur une campagne de désinformation antifrançaise apparue sur les réseaux sociaux après l'assassinat en octobre 2020 de l'enseignant Samuel Paty par un islamiste.

Ce bruit de fond s'avérera d'origine turque, selon plusieurs sources françaises. Cette expérimentation est à l'origine de la création de la structure Viginum. Pour encadrer le travail de cette structure, les autorités ont installé un "comité éthique et scientifique" composé de huit "personnalités qualifiées dans les domaines de compétences du service", dont une journaliste de l'AFP, Pauline Talagrand.

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