09/04/2011 11:28

"Bagarre" entre journaux, magazines et Apple sur l'iPad

Par Alix RIJCKAERT

Journaux et magazines se plaignent amèrement des conditions imposées par Apple pour commercialiser leurs titres et abonnements sur son incontournable tablette, l'iPad, et exposent ouvertement leurs pommes de discorde avec le géant technologique américain. 


En France, les directeurs de publication sont unanimes: les conditions imposées depuis mi-février par Apple pour les abonnements sur l'iPad, l'iPhone ou le baladeur iPod leur sont défavorables. 

"Il y a des bagarres terribles, c'est très compliqué", admet Philippe Jannet, PDG du Monde Interactif et président du Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste). 

"On ne saurait accepter qu'Apple nous impose les prix, le partage des revenus et le contrôle des données (sur les acheteurs occasionnels ou abonnés, ndlr). Ce sont des choses essentielles pour la presse", poursuit-il.  En France, 435.000 tablettes, pour une écrasante majorité des iPad, ont été vendues en 2010, et l'institut GfK table sur un million écoulées cette année. 

"Le problème, c'est que si vous voulez être présents sur l'iPhone et l'iPad, vous devez passer sous les fourches caudines d'Apple", souligne un éditeur souhaitant rester anonyme.  En outre, ajoute-t-il, Apple est "une société ultracentralisée, où toutes les décisions remontent au top management".

Les négociations avec la presse française sont donc arbitrées au siège californien de la firme à la pomme, à Cupertino, dans la Silicon Valley.  La liste des griefs est longue, comme en témoigne une lettre ouverte du Syndicat de la presse magazine (SPM) adressée à Apple cette semaine. 

Les magazines français s'insurgent tout d'abord sur la fixation, par paliers, du prix de vente du titre ou de l'abonnement (0,79, 1,29 ou 1,59 euro le numéro par exemple), qui est aujourd'hui imposé sur son magasin d'applications, l'App Store.  "Faute de pouvoir choisir librement le prix de vente", le SPM réclame "une plus grande souplesse". 

Ensuite, les magazines français dénoncent le fait que l'acheteur passe obligatoirement par le système d'Apple, l'In App Purchase, pour payer.  Au passage, Apple prélève 30% à chaque transaction, une commission "concevable (...) pour l'acquisition d'un nouvel abonné via l'App Store", selon le SPM, qui estime toutefois qu'"il serait logique que votre commission soit moins importante pour le renouvellement d'un abonnement". 

Enfin, les magazines s'indignent de la politique stricte de contrôle des coordonnées de clients par Apple, le nerf de la guerre pour une publication, qui souhaite avoir la main sur ces informations pour relancer un abonné, lui proposer des promotions, d'autres titres ou rebondir sur l'actualité.  Apple a certes fait un geste, mais cela n'apaise pas les inquiétudes. 

"Ils demandent à l'utilisateur qui s'abonne s'il consent à faire une exception dans leur politique de protection de la vie privée et accepterait dans ce cadre-là de transmettre ses coordonnées", explique M. Jannet. 

"L'éditeur n'est même pas mentionné!", ce qui ne risque guère de donner envie aux acheteurs de répondre par la positive, regrette-t-il.  Sur la question des coordonnées d'abonnés, le Financial Times a rué dans les brancards cette semaine, indiquant que dans ces conditions, il se passerait de l'iPad. 

Regroupés au niveau européen, les éditeurs ont aussi alerté les services de la concurrence de la Commission européenne et en Belgique, Apple est sous le coup d'une enquête pour abus de position dominante. 

M. Jannet salue toutefois quelques concessions récentes, comme le fait que l'éditeur garde 100% des recettes et les coordonnées du client s'il l'amène depuis ses sites vers l'App Store. Journaux et magazines ont aussi obtenu de pouvoir vendre directement sur leurs sites des abonnements iPad.

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