12/02/2022 16:02

Les Suisses pourraient décider demain de rejoindre la grande majorité des pays industrialisés en limitant très sévèrement la publicité sur le tabac

Par Nina LARSON

Les Suisses pourraient décider dimanche de rejoindre la grande majorité des pays industrialisés en limitant très sévèrement la publicité sur le tabac. Le pays alpin a une législation très permissive dans ce domaine, notamment en raison du très fort lobbying des plus grands cigarettiers du monde qui y ont leur siège. Sur le plan national, seules les publicités à la radio et à la télévision et celles qui visent spécifiquement des mineurs sont bannies actuellement. Et même si certains cantons ont déjà durci leurs règles et qu'une nouvelle loi devrait entrer en vigueur en 2023, les groupes de lutte contre le tabagisme estiment qu'une action beaucoup plus décisive est nécessaire pour protéger les jeunes.

Une initiative populaire a donc vu le jour qui réclame tout simplement d'interdire toute publicité sur le tabac qui pourrait être vue par des mineurs. Ce qui en pratique revient à la bannir. Selon les derniers sondages, les Suisses vont voter largement en faveur de cette initiative. Reste une inconnue: l'initiative arrivera-t-elle à l'emporter dans la majorité des 26 cantons, condition sine qua non pour être adoptée.

Les opposants, parmi lesquels on compte le gouvernement fédéral et le parlement, estiment que le projet va trop loin. "Nous sommes contre parce que le texte de cette initiative est extrême", lance Patrick Eperon, porte-parole de la campagne du Non et membre de l'organisation Centre patronal. "Cela veut dire que pratiquement toute publicité est interdite, y compris pour les adultes. Donc au nom de la protection des enfants, on infantilise les adultes", accuse-t-il lors d'un entretien à l'AFP. C'est l'argumentaire de Philip Morris International (PMI), le numéro un mondial du secteur, qui, comme British American Tobacco et Japan Tobacco, a son siège en Suisse. "C'est un terrain glissant pour ce qui concerne les libertés individuelles", a souligné un porte-parole de PMI, qui estime que "cela ouvre la voie à un durcissement des lois sur la publicité pour l'alcool ou le sucre".

Un message reflété dans les affiches de la campagne du "Non" que PMI a aidé à financer, figurant une saucisse barrée qui laissent entendre que bientôt ce pourrait être au tour de la publicité sur la viande d'être bannie. Le docteur Jean-Paul Humair, qui dirige le centre de prévention des addictions de Genève et porte-parole du "Oui", juge l'argument spécieux. "Il n'y a aucun autre produit de consommation qui tue la moitié de ses consommateurs", a-t-il déclaré à l'AFP.

La Suisse paie un lourd tribut au tabagisme, avec 9.500 décès par an liés au tabagisme, pour une population de 8,6 millions d'habitants. A cela vient s'ajouter 400.000 personnes souffrant d'une maladie chronique liée au tabagisme, souligne le docteur Humair. Actuellement, environ un quart des adultes vivant en Suisse consomment des produits dérivés du tabac, c'est le double de l'Australie par exemple, où une législation très restrictive est en place de longue date.

"La Suisse est vraiment en retard par rapport à d'autres pays riches", estime Mary Assunta, du groupe anti-tabac international STOP, soulignant le rôle des cigarettiers implantés dans le pays. Le secteur a un poids non négligeable dans l'économie du pays alpin: un peu moins de 1% du PIB soit quelque 6,5 milliards de francs ou 5,7 milliards d'euros et il emploie 11.500 personnes.

Pour les opposants, cette initiative est inutile parce que la nouvelle législation plus sévère qui s'appliquera l'année prochaine doit interdire de vendre du tabac au moins de 18 ans. La loi limite aussi la publicité en l'interdisant notamment sur les panneaux publicitaires et dans les cinémas. Mais malgré cela la Suisse resterait la lanterne rouge en Europe, insistent les partisans du "Oui".

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