17/07/2020 07:46

Mort de Cédric Chouviat: Trois des quatre policiers mis en examen pour "homicide involontaire", une qualification pénale trop légère pour la famille de la victime

Les juges d'instruction chargés d'enquêter sur la mort de Cédric Chouviat en janvier à Paris ont mis en examen trois des quatre policiers présents lors du contrôle routier houleux pour "homicide involontaire", une qualification pénale trop légère pour la famille de ce livreur. Ces trois policiers qui ont procédé physiquement à l'interpellation ont été mis en examen les 7 et 8 juillet et jeudi, a-t-on appris de source judiciaire. Ils sont placés sous contrôle judiciaire avec une interdiction de contact avec tout ou partie de l'équipage.

Une quatrième membre de l'équipage, qui a filmé la scène l'interpellation, a été placée vendredi dernier sous le statut de témoin assisté. Cédric Chouviat, livreur de 42 ans, a fait un malaise cardiaque lors d'un contrôle policier houleux le 3 janvier près de la Tour Eiffel au cours duquel il a été plaqué au sol avec son casque sur la tête. Transporté dans un état critique à l'hôpital, il est mort le 5 janvier. D'après les premiers éléments de l'autopsie dévoilés par le parquet de Paris, les médecins ont constaté chez cet homme une asphyxie avec "fracture du larynx" ainsi qu'"un état cardiovasculaire antérieur".

Une information judiciaire a été ouverte.

Plusieurs analyses ont été réalisées à la demande des juges pour comprendre les circonstances de l'interpellation.

Une expertise audio dévoilée fin juin a reconstitué les douze dernières minutes du contrôle routier grâce aux vidéos tournées par M. Chouviat et par la policière : si l'échange est "relativement correct", selon le gendarme de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, le livreur fait preuve d'"une forme de provocation". L'expert relève que les forces de l'ordre tentent de mettre fin au contrôle à plusieurs reprises, avant que la situation ne dégénère et que les policiers ne procèdent à l'interpellation de M. Chouviat. "Durant 22 secondes", M. Chouviat "dit à plusieurs reprises +j'étouffe", selon cette expertise.

A la suite de ces révélations, les policiers ont contesté avoir entendu ces mots lors du contrôle et se sont dits "catastrophés", d'après leurs avocats Me Thibault de Montbrial et Me Laurent-Franck Liénard.

Selon cette expertise, "la quasi-totalité" de l'échange entre Cédric Chouviat et les policiers est toutefois "compréhensible" dans les trois vidéos tournées par la fonctionnaire de police placée sous le statut de témoin assisté. L'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a elle réalisé fin février une "synthèse" sur l'interpellation, basée entre autres sur la vidéo tournée par M. Chouviat. Selon ce document dont a pris connaissance l'AFP, M. Chouviat "chute" au sol suite à l'interpellation et annonce immédiatement ne pas opposer de résistance : "Je m'arrête.. je m'arrête. Lâche mon casque... J'étouffe !.. .J'étouffe.. (...) J'étouffe, j'étouffe !.. J'étouffe ! ..J 'étouffe ...Tu verras... Tu v...". "C'est bon, c'est bon, lâche-le", demande alors un des policiers mis en cause à un autre. "J'étouffe, j'étouffe, j'étouffe", dit encore M. Chouviat. Entre le premier et le neuvième "j'étouffe", treize secondes, d'après cette synthèse.

D'après une source proche du dossier, une reconstitution sonore "in situ" prévue prochainement doit permettre de déterminer si les policiers pouvaient entendre ces mots de M. Chouviat. Une expertise médicale doit aussi préciser l'état cardio-vasculaire de M. Chouviat. Dans un communiqué, la famille de Cédric Chouviat s'est dite "soulagée" de la mise en examen des policiers dans cette affaire qui incarne le débat français sur les violences policières, au côté de celle d'Adama Traoré, un jeune homme noir mort à l'été 2016 après son interpellation par des gendarmes.

Pour sa famille, ce sont toutefois "des coups volontaires qui ont entraîné la mort de Cédric Chouviat" et non un "homicide involontaire".

Dans le code pénal, ce dernier est un délit, passible du tribunal correctionnel, alors que les violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, la qualification pénale souhaitée par la famille, constituent un crime, passible de la cour d'assises. La famille a réitéré jeudi sa demande de "suspension des fonctionnaires de police". Quelques jours après les faits, l'ex-ministre de l'Intérieur Christophe Castaner avait annoncé que "toutes les sanctions nécessaires" seraient prises en cas de "fautes caractérisées", soulignant les "questions légitimes" posées par l'autopsie.

Depuis, le débat autour des violences policières a trouvé un très fort écho dans le monde à la suite de la mort fin mai aux Etats-Unis de George Floyd. M. Castaner a annoncé l'abandon prochain de la technique dite de la "clé d'étranglement", comme le réclame la famille Chouviat. Son successeur place Beauvau, Gérald Darmanin, n'est pas revenu sur cette annonce.

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