13/09/2020 18:31

"Engrenages", dont la huitième et dernière saison est diffusée sur Canal+, a su emporter l'adhésion des policiers, accros depuis quinze ans

"Engrenages", dont la huitième et dernière saison est actuellement diffusée sur Canal+, a su emporter l'adhésion des policiers, accros depuis quinze ans à cette série à succès, la seule où ils reconnaissent vraiment leur métier. Une commissaire de région parisienne le confesse: la fin des aventures de la capitaine Laure Berthaud - promue commandant au fil des saisons - et de son équipe du 2e DPJ (district de police judiciaire) va créer "un vide" dans l'univers de la fiction française. "C'est la série la plus réaliste sur la police qui n'ait jamais existé", résume-t-elle.

A l'écran depuis décembre 2005 et exporté dans plus de 100 pays, "Engrenages" a révolutionné le polar télévisuel, dans un univers déjà saturé de productions souvent décevantes, en associant à l'écriture un scénariste professionnel et un co-scénariste issu du sérail policier. Non sans mal, du moins au début.

"Les premiers scénaristes, qui m'ont été présentés, avaient un peu de mal à recevoir des conseils d'un vrai policier. C'est un peu le syndrome de l'artiste, du genre +J'ai un copain à la BAC, il m'a expliqué+", rembobine Eric de Barahir*, commissaire divisionnaire, qui a participé à l'écriture des saisons 2 à 4. Le fonctionnaire, plus de 20 ans de police judiciaire au compteur, s'est inspiré "d'histoires vraies vécues", qui ont été "mixées, transformées, adaptées", comme l'infiltration d'un réseau de trafiquants de stupéfiants ou l'enquête sur des militants de l'ultra gauche aux velléités terroristes.

Les crimes du "Boucher de la Villette", fil rouge de la saison 3, sont aussi tirés en partie de ceux de Jacques Rançon, le "tueur de la gare de Perpignan", qui a violé et mutilé deux jeunes femmes dans les années 90.

La dernière saison aborde la question des mineurs isolés marocains, souvent drogués au Rivotril - un antiépileptique -, qui errent dans le quartier parisien de la Goutte-d'Or et vivent de petits larcins sous la coupe de receleurs. Lourdeur de la procédure, tensions avec les avocats, concurrence entre services, jeux de dupes avec les indics, rapports de force avec les magistrats: "c'est la seule série où les policiers se reconnaissent, où ils peuvent dire à leurs proches +voilà mon métier, voilà ce que je fais+", explique Eric de Barahir.

"On connaît tous une Laure Berthaud, la tête dans le guidon, pour qui la vie c'est le boulot, qui donne tout et ne décroche pas", confie une commissaire francilienne. Le personnage de "Gilou", policier à la vie privée chaotique et qui finit en prison pour avoir franchi la ligne rouge, lui évoque, dans une certaine mesure, "ces mecs vraiment aimables qu'on veut sauver quand ils dérapent". L'ultra-réalisme de la série, qui dévoile de nombreuses techniques d'investigation ou de surveillance, peut parfois faire tiquer dans les rangs policiers.

"Quand on montre la sonorisation d'un parloir, ça peut mécontenter certains flics", glisse un enquêteur. "On n'est plus dans Hercule Poirot et ça plait aussi aux flics pour ça", tempère un jeune commissaire de PJ, "biberonné" à Engrenages avant même d'enfiler l'uniforme. A contrario, les contraintes de la fiction imposent parfois quelques entorses avec la réalité. "Les personnages vivent une accumulation de choses incroyables et d'enquêtes de folie que peu de policiers vivront dans leur carrière", souligne le commissaire trentenaire.

La proximité, conflictuelle ou quasi filiale, du trio formé par la capitaine Berthaud, l'expérimenté juge Roban et l'ambitieuse avocate Joséphine Karlsson, sert l'intrigue mais "en vrai, la justice est une machine complètement déshumanisée", ajoute un autre, en poste en Seine-Saint-Denis.

Difficile aussi d'échapper à la compression du temps qu'impose le rythme haletant d'une série. "Dans une fiction, on ne va pas attendre trois semaines pour avoir les résultats d'une empreinte génétique", concède Eric de Barahir. "C'est un peu fantasmé parce que le scénario l'exige, sinon ce serait plan-plan", pardonne la commissaire de région parisienne.

Surtout, apprécie-t-elle, "on y voit une police moderne, rajeunie, féminisée avec une petite touche de diversité. Ça donne une image positive".

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