26/01/2019 13:01

La plateforme de streaming Netflix finalement acceptée par Hollywood, sans faire pour autant l'unanimité

Le géant Netflix vient de recevoir de Hollywood son premier vrai gage de légitimité avec "Roma", retenu aux Oscars dans la catégorie reine du meilleur film, mais la plateforme est encore loin de faire l'unanimité car son modèle, critiqué, n'a que peu évolué.

Outre 15 nominations aux Oscars de films produits par Netflix, la plateforme est officiellement devenue mardi membre de la puissante association américaine du cinéma (MPAA), un autre signe de son acceptation par le milieu.

Déjà bien reçu aux festivals de Toronto (8 films sélectionnés) et Venise, où "Roma" a reçu le Lion d'or, Netflix n'est désormais plus indésirable à Hollywood, même si le tapis rouge n'est pas déroulé pour autant.

Dès l'annonce des nominations, mardi, les chaînes de cinéma AMC et Regal, qui sont, de très loin, les deux premiers acteurs du marché, ont indiqué qu'elles ne diffuseraient pas "Roma" dans le cadre de leur programme traditionnel spécial Oscars.

AMC a expliqué que, n'ayant pu diffuser le film à sa sortie, car Netflix ne lui en avait pas accordé le droit, elle choisissait de faire l'impasse.

Au total, "Roma" a été diffusé dans 900 salles dans le monde, soit plus qu'aucun autre film jamais produit par Netflix, même si le groupe n'a communiqué aucun chiffre de recettes au box-office. "Les gens aiment les films... chez eux et au cinéma", a martelé la plateforme dans sa lettre aux investisseurs, publiée jeudi.

Et Netflix a fait beaucoup plus qu'assurer au film une sortie en salle pour se plier aux exigences de l'industrie, en lançant une campagne marketing très agressive, à coups d'événements, d'affichage, voire même de spots sur des chaînes traditionnelles, selon le site Fast Company.

La plateforme ne limite plus, et ce depuis bien longtemps déjà, sa production aux séries, et se positionne chaque jour davantage comme un terrain de jeu pour réalisateurs exigeants (Cuaron, Scorsese, Soderbergh, les frères Coen), mais aussi, ce qui est plus récent, comme destination légitime des stars d'Hollywood.

A l'appui de cette stratégie, Netflix a publié, avec ses résultats annuels, des chiffres d'audience plus exhaustifs, affirmant notamment que "Bird Box", avec l'actrice oscarisée Sandra Bullock, avait été vu par 80 millions de foyers, soit 58% de ses abonnés.

Si l'ogre aux lettres rouges a montré patte blanche pour être accepté des institutions du cinéma, il ne l'a fait qu'au prix de petits ajustements, qui n'ont en rien modifié son modèle économique.

Il n'a ainsi attendu que trois semaines après la sortie en salles pour mettre "Roma" en ligne sur sa plateforme, soit beaucoup moins que les 90 jours que les exploitants de salles américains imposent aujourd'hui aux studios.

Au sein même de l'Académie américaine des arts et sciences du cinéma, qui préside aux Oscars, "il reste un contingent (de membres) qui considèrent qu'un vote pour +Roma+ est un vote pour Netflix", a rappelé Nicole Laporte, du site spécialisé Fast Company.

"En d'autres termes", a-t-elle ajouté, "un vote pour une entreprise dont le modèle de streaming est en train de détruire l'industrie traditionnelle du film."

"Ils ne veulent pas être dans l'industrie du cinéma, mais dans l'industrie de l'abonnement", affirme Aswath Damodaran, professeur à la Stern School of Business de l'université NYU et auteur de recherches sur le modèle de Netflix.

Et à l'exception de Disney, qui peut compter sur quelques cartes maîtresses comme Pixar, Star Wars et Marvel, "le reste de l'industrie du cinéma est en train d'être détruit", fait-il valoir. "Netflix fait grimper le prix de la production, du contenu et les pousse dehors."

Selon les analystes, la plateforme pourrait dépenser 15 milliards de dollars en production en 2019, plus que tous les grands studios hollywoodiens.

Aswath Damodaran se dit d'ailleurs "inquiet de leur modèle économique, tout simplement à cause du montant qu'ils dépensent en contenu".

L'avenir du groupe n'est pas en danger, précise-t-il, mais les investisseurs pourraient se lasser de voir une société grandir à ce rythme sans générer de trésorerie.

"La question que je me suis toujours posée à leur propos est comment descendre du tapis roulant?", demande l'universitaire. "Les abonnés ayant été quasiment conditionnés à attendre 100 nouveaux films et séries par an, je ne vois pas comment vous faites pour vous arrêter."

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