11/01/2016 10:11

Une première en Espagne: La soeur et le beau-frère du roi jugés pour fraude et corruption

C'est une première en Espagne: une soeur du roi, Cristina de Bourbon, comparaît lundi au tribunal, à l'ouverture du procès d'un des plus retentissants scandales de corruption des années de crise auquel elle espère cependant pouvoir échapper in extremis.

Dans une salle dominée par le portrait de son frère cadet, Felipe VI, chef de l'Etat depuis l'abdication du roi Juan Carlos en 2014, la princesse de 50 ans sera bien malgré elle la vedette du "procès de l'année", aux côtés de son mari et de 16 autres prévenus.

Auparavant, l'infante devra passer devant des centaines de journalistes massés à l'entrée du tribunal de Palma de Majorque, la capitale ensoleillée des îles Baléares. Et endurer les cris de manifestants exigeant "que la justice soit la même pour tous", dans un pays écoeuré par la multiplication des scandales de corruption qui ont impliqué ses élites économiques, politiques et princières...

Seconde fille de Juan Carlos et Sofia, Cristina est accusée d'avoir dissimulé au fisc des revenus issus des détournements de 6 millions d'euros de fonds publics reprochés à son mari, Iñaki Urdangarin, et à un ex-associé de celui-ci.

L'infante a toujours soutenu qu'elle ne savait rien de ces affaires et faisait une confiance aveugle à son époux depuis 18 ans, dont elle refuse de divorcer malgré les pressions de la maison royale qui tente de limiter les effets toxiques de l'affaire pour la monarchie.

Arrivée il y a quelques jours de Genève, où elle vit en exil depuis 2013, Cristina est "disposée à assumer sa comparution en toute sérénité", a affirmé à la presse son avocat, Miquel Roca. Et il a ajouté: "on ne peut pas se plaindre qu'un couple s'entende et s'aime", suivant la stratégie de la défense qui les présente comme des époux aimants qui font face ensemble.

M. Urdangarin, ancien médaillé olympique de hand-ball de 47 ans, et son ex-associé Diego Torres sont accusés d'avoir surévalué les contrats signés entre 2004 et 2006 par l'institut Noos - l'entité théoriquement à but non lucratif qu'ils dirigeaient - avec les gouvernements régionaux des Baléares et de Valence.

Selon l'accusation, les bénéfices en étaient répartis entre plusieurs sociétés écrans, dont Aizoon, propriété de Cristina et d'Iñaki, qui aurait financé des dépenses du couple, tels de coûteux travaux ou voyages.

M. Urdangarin est jugé pour détournement de fonds, fraude fiscale, trafic d'influence, escroquerie et blanchiment d'argent. Le procureur a requis à son encontre 19,5 années d'emprisonnement et 16,5 contre M. Torres.

Ancien professeur de gestion des entreprises, M. Torres a toujours affirmé que le roi Juan Carlos était au courant des affaires de Noos. Il a fourni au juge d'instruction des centaines de courriels attribués à Urdangarin qui le confirmeraient et même demandé, en vain, la comparution comme témoin de Felipe VI.

La maison royale révisait "ce que nous faisions, ils disaient +ça me semble très bien, allez-y+, ils nous guidaient, nous avons toujours agi de bonne foi", a répété Diego Torres dimanche, dans un entretien diffusé par la télévision privée La Sexta.

Le juge d'instruction avait tenté de démontrer que l'infante était partie prenante dans les affaires de son mari. Mais le procureur s'est opposé aux poursuites en ce sens et elle n'est finalement jugée que pour fraude fiscale.

Dans ce procès, seule une association d'extrême droite, Manos Limpias (Mains propres), représente l'accusation publique - le droit espagnol permettant à une organisation non-impliquée ni victime dans une affaire de saisir la justice.

La défense compte jouer là-dessus pour faire en sorte que la princesse échappe finalement au procès, en application de la "jurisprudence Botin". En 2007, la Cour suprême avait validé un non-lieu en faveur du puissant banquier Emilio Botin, estimant qu'il ne pouvait être jugé car ni le parquet ni les parties lésées n'avaient déclenché de poursuites.

"Ce serait un autre scandale monumental", proteste par avance le responsable de Manos Limpias, Miguel Bernad Remón, "une justice à la carte, pour que ne s'assoient pas au banc des accusés d'abord le plus grand banquier d'Espagne puis un membre de la famille du roi".

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