13/09/2015 15:03

"Les Potins d'Angèle" fêtent leurs 10 ans à Lyon en pleine crise de la presse satirique

A l'heure où la presse écrite est en crise, les journaux satiriques régionaux s'efforcent tant bien que mal de perdurer, à l'instar des "Potins d'Angèle" de Lyon, héritiers d'une tradition née avec Guignol, qui fêtent dimanche leurs dix ans d'existence.

Fondé en septembre 2005 par un ancien journaliste politique du quotidien Le Progrès, Gérard Angel, l'hebdomadaire d'une douzaine de pages, émaillées de caricatures de Castillon et Fiche, se targue de "sortir des infos", dans un style "ironique, frisant l'impertinence", pour un prix inchangé depuis 10 ans (2 euros).

Emprunts toxiques du conseil général, dossier du grand stade, musée de la Confluence... D'une plume mordante, Gérard Angel égratigne les politiques locaux de tous bords, y compris le sénateur-maire PS Gérard Collomb, pourtant son ami.

"Tout est vérifié! Je revendique mon droit à la mauvaise foi, mais nous n'avons pas le droit de publier des infos erronés", proclame le truculent journaliste de 64 ans, qui revendique quelque 1.200 abonnés et entre 500 et 1.000 ventes en kiosque.

Très peu de pub, pour préserver "l'indépendance". Mais la situation économique reste "très difficile" et ne fait qu'"empirer", reconnait celui qui "arrive à payer son collaborateur" mais n'a pas perçu de salaire depuis deux mois.

"On ne vit que parce que de temps en temps deux ou trois copains nous filent un coup de main car ils sont attachés à un journal libre", confie-t-il. Mais il est "obligé de prendre des mesures drastiques pour sauver le journal".

"Toute la presse satirique a du mal à résister, car de plus en plus, les gens vont sur le net voir des sites comme Le Gorafi ou équivalent", observe Patrick Eveno, historien de la presse, notant que, "même Le Canard enchaîné a des difficultés, même s'il est encore sur un tas d'or et a de la marge devant lui".

Le vénérable centenaire vient d'annoncer une baisse de 2,5% des ses ventes, avec un résultat toutefois toujours bénéficiaire. "Les politiques craignent ces journaux!

Leur acharnement fait qu'en province il leur arrive de sortir des scoops. Ils sont utilisés comme animateur de débats, mais je ne vois pas de réussites économiques probantes et leur survie repose sur le bon vouloir de leur promoteur", renchérit le banquier Jean-Clément Texier, spécialiste de la presse.

De fait, rares sont ceux qui tirent leur épingle du jeu. Certes il y a le mensuel "La Feuille", lancé en 1976 dans le Lot-et-Garonne par les journalistes Anne Carpentier et Guy Nanteuil, qui se glorifie de ne "pas avoir de dettes" et d'être "rentable".

Ou encore le bimestriel "Fakir - Journal fâché avec tout le monde. Ou presque", à Lille, qui "se porte bien et fait des bénéfices", selon son rédacteur-en-chef, François Ruffin.

D'autres "vivotent", comme "La Lettre à Lulu", créé à Nantes fin 1995 et publiée quatre fois par an. Une dizaine de bénévoles, pas de pub.

"On vivote, mais ça nous est jamais arrivé d'être dans le rouge", se félicite son directeur de publication, Nicolas de La Casinière. De "généreux mécènes qui n'interviennent pas dans ce qu'on écrit" ou "quelques actionnaires qui aiment le journal" permettent aussi à "Heb'Di - le Magazine alsacien qui ose" de rester "à l'équilibre", selon son fondateur Thierry Hans. A Marseille, Le Ravi, cousin provençal de Charlie Hebdo, ne peut pas en dire autant.

Fondé en 2003, le mensuel est en redressement judiciaire jusqu'en novembre, avec un déficit de près de 55.000 euros.

Et a dû s'infliger une cure d'amaigrissement drastique.

Née en 2002, l'Agglo-Rieuse à Montpellier est, quant à elle, carrément en danger de mort.

En cause une amende de 91.200 euros, infligée en 2014 par la cour d'appel de Nîmes pour diffamation après un article mettant en cause un promoteur immobilier.

A Toulouse, ce sont aussi les procédures judiciaires qui ont eu raison en 2006 du "Satiricon", "lou journal des mémés qui aiment la castagne", fondé en 1995 par le dessinateur Pierre Samson.

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