17/05/2011 15:36

Affaire DSK: Quand Cannes voit la réalité dépasser le cinéma

Par Eloi ROUYER

Impact de l'affaire Dominique Strauss-Kahn a atteint la bulle cannoise et cinéastes, critiques ou scénaristes regardent avec stupéfaction la réalité de ce fait divers politico-judiciaire dépasser la fiction.
Au Palais des festivals, les professionnels du cinéma ont les yeux rivés sur les écrans plats installés dans les couloirs mais, pour une fois, ils ne regardent pas la retransmission des conférences de presse des équipes des films en compétition.

Ils suivent les chaînes d'informations en continu: l'affaire DSK et son retentissement mondial ont atteint la croisette et on parle plus du patron du FMI que de la star américaine Brad Pitt, venue présenter "L'arbre de vie", film très attendu de Terrence Malick projeté lundi soir.
"Aucun film ne semble aussi fort que l'affaire DSK", a affirmé le critique Serge Kaganski des Inrockuptibles sur TV Festival.

"La réalité dépasse la fiction, en tout cas elle la concurrence. Il y a tous les ingrédients pour un faire un film: la charge politique, la charge romanesque ou la charge psychanalytique", a-t-il dit, se prenant à imaginer pour réaliser une fiction sur cette histoire "à quelqu'un comme Michael Mann qui ferait un film très élégant ou peut-être les frères Coen, pour un film politique un peu kafkaïen".

"L'humanité, le pouvoir, les femmes, le sexe, l'argent, il y a tout", explique Jean-André Yerles, coprésident de la Guilde française des scénaristes, joint par téléphone.

"Ce qui me fascine, si j'avais un film à faire sur cette histoire, ce n'est pas le complot à deux balles qui ferait un film américain moyen, mais plutôt l'autodestruction de ce personnage. On a l'impression de quelqu'un qui aurait conclu avec le diable et qui serait puni pour ne pas l'avoir respecté", poursuit M. Yerles.

L'affaire n'inspire en revanche pas Xavier Durringer, réalisateur dont le film "La Conquête" sur l'accession au pouvoir de Nicolas Sarkozy est présenté mercredi hors compétition.

"Quelle que soit l'issue, ce n'est pas une histoire pour moi: je ne ferais pas un film dont l'enjeu serait son rapport aux femmes et la façon dont il a pu se comporter, avec cette femme ou avec d'autres: ça dépasserait mes limites morales", a déclaré Xavier Durringer à l'AFP.

"Ce n'est pas le genre de films que j'aimerais me colleter. Je trouverais ça très laid", a-t-il ajouté.

Evoquant la sortie de DSK lundi d'un commissariat new-yorkais, menotté dans le dos et entouré de policiers, le cinéaste a jugé "l'image terrible, très cruelle, qui fait penser aux arrestations des séries américaines".
Cette image a également profondément choqué Jean-Paul Huchon, président PS de la région Ile-de-France, présent à Cannes pour un colloque sur le financement du cinéma.

"Les séries américaines ont imposé leur rythme, leur manière de montrer les choses. Mais justement, là on est sur un sujet sérieux. C'est d'abord la vie d'un homme, sa destinée", a déclaré à l'AFP M. Huchon qui a renoncé à monter les marches lundi soir, jugeant le geste déplacé dans ce contexte.

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