12/09/2010 13:27

France 24 minée par une "guerre des chefs"

Par Juliette COLLEN

Luttes d'influence au sommet, rédaction décapitée, ambiance "plombée" et incertitudes financières : créée par Jacques Chirac pour porter la voix de la France dans le monde, la chaîne publique France 24 traverse une passe difficile à un tournant important pour son avenir.  


Le directeur adjoint de la rédaction, Albert Ripamonti, qui était à France 24 depuis le début, a claqué la porte jeudi pour partir à i-TELE (groupe Canal+), en remplacement de Thierry Thuillier, parti à France Télévisions.  

Ce départ, qui a crée un "choc" dans la rédaction, intervient peu après la mise à pied, sans ménagement, du directeur de la rédaction, Vincent Giret.  

La rédaction (280 journalistes) se retrouve ainsi décapitée, résultat d'une "lutte d'influence" entre Alain de Pouzilhac, le PDG, et sa directrice générale déléguée, Christine Ockrent. 

Ce "tandem" avait été choisi par Nicolas Sarkozy au moment de la création, en 2007, de l'Audiovisuel extérieur de la France (AEF, une holding qui a absorbé France 24, Radio France Internationale et une partie de TV5Monde).

Leur nomination avait fait des remous, la journaliste étant aussi la compagne de longue date du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner.   "Depuis le début ils ne s'aiment pas", résume une journaliste sous couvert d'anonymat. Une animosité qui a franchi un cap cet été, lorsque M. de Pouzilhac a rétrogradé Mme Ockrent au poste de directrice générale déléguée, elle qui était jusqu'en juillet directrice générale.  

Vincent Giret, un proche de Mme Ockrent, se serait vu reprocher par Alain de Pouzilhac d'avoir plombé les comptes en embauchant trop de journalistes. Mme Ockrent aurait de son côté refusé de promouvoir M. Ripamonti au poste de directeur de la rédaction, provoquant son départ.

"Elle a mené une véritable guerre psychologique" à son encontre, affirme un salarié. D'autres sources affirment au contraire que M. Ripamonti cherchait de toutes façons à partir.  

La semaine dernière les salariés avaient voté une motion de confiance à M. Ripamonti, craignant son limogeage.   

"On le pleure. Ripamonti, c'était le dernier ciment de la rédaction. Il a mouillé sa chemise depuis le début, c'était lui le vrai patron, la mémoire de la chaîne", affirme un membre de la rédaction.  

"L'ambiance est mauvaise, les gens sont assez abattus", témoigne un délégué de la CFE-CGC.  

La chaîne publique connaît "sa deuxième plus grosse crise" depuis le licenciement, en 2008, du directeur de la rédaction, Grégoire Deniau, selon un journaliste. Et ce à un tournant important : elle doit passer à une diffusion 24 heures sur 24 de son antenne arabophone, changer sa grille du soir...  

Au-delà des querelles de chefs, certains dénoncent une manière de travailler en "flux tendus" dans une rédaction "low cost" où, selon la CGT, "on part de moins en moins sur le terrain".  

Sa situation financière provoque aussi des inquiétudes. La semaine dernière, la CFDT avait déposé un préavis de grève - finalement levé - pour dénoncer la "gestion arbitraire", tandis qu'un dérapage financier a été évoqué.   

Lundi, un comité extraordinaire a été convoqué. Si la direction n'apporte pas de réponses satisfaisantes, les syndicats pourraient, selon la CFE-CGFC, voter un droit d'alerte.   Sollicitée par l'AFP, la direction de France 24 n'avait pas réagi vendredi soir.  

Le budget global de France 24, fondée en 2006, est de l'ordre de 90 millions d'euros. Si aucun chiffre officiel n'a été révélé, l'hypothèse d'un déficit prévisionnel de plusieurs millions d'euros pour 2011 est avancée.  

"Si l'Etat ne remet pas massivement au pot, l'AEF sera fragilisée", affirme un journaliste.

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Vos réactions

Portrait de Horace
13/septembre/2010 - 20h55

I-télé est devenue la meilleure chaîne info ,
france 24 c'est quoi déjà?

Portrait de hulc
12/septembre/2010 - 22h04

bon courage Mr Ripamonty. venir après l'excellent Thuillier...pas facile comme tâche, surtout qu'i-télé était en hausse ces derniers mois.