Le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine) rendra mardi sa décision dans le procès de l'avocat-star de la twittosphère accusé d'"injure" et "diffamation" envers l'une de ses cibles préférées, l'Institut pour la justice (IPJ), partisan d'une politique pénale plus répressive.
C'était en pleine campagne présidentielle, en novembre 2011.
Cette association classée à droite avait appelé les citoyens à signer en ligne un "Pacte 2012 pour la justice" réclamant "l'impunité zéro pour les atteintes aux personnes et aux biens".
Le succès est "énorme": 1,7 million de signatures.
Problème: ce chiffre exceptionnel s'expliquerait par un "compteur bidon", avait accusé le 8 novembre Maître Eolas dans un tweet, qui relayait une courbe montrant une progression linéaire des signatures. Piqué au vif, l'IPJ avait attaqué l'avocat en "diffamation".
Il a comparu sur le banc des prévenus le 7 juillet.
Derrière lui, élèves avocats, robes noires et twittos avaient fait le déplacement pour voir en chair et en os le juriste mystère aux 186.000 "followers", célèbre pour son humour caustique et son blog de référence sur la justice.
Quand la pétition a commencé à faire le buzz, des internautes l'avaient alerté.
"J'ai tout de suite vu les failles, la technique de manipulation de l'IPJ", a-t-il analysé à la barre, en dénonçant son utilisation de "faits divers dramatiques" pour promouvoir des "thèses sécuritaires".
Au centre des débats, très techniques, le compteur et une interrogation: la pétition a-t-elle été signée par 1,7 million de personnes physiques?
Des experts ont donné leur avis. Côté Eolas: les signatures étaient invérifiables, n'importe quelle adresse électronique, même fantaisiste, pouvait être saisie.
Côté IPJ: le nombre de signataires est conforme aux données de fréquentation fournies par Google analytics.
Quant à la courbe linéaire, elle serait due à "une attaque d'un robot informatique" qui avait généré 30.000 clics à partir d'une même adresse IP.
"C'est pas la même chose de dire que le système de vérification n'est pas parfait et que nous truquons volontairement le système", s'était défendu Xavier Bébin, secrétaire général de l'IPJ, regrettant un "préjudice incalculable" en termes de crédibilité. "Je ne dis pas que le compteur a été bidonné, je dis qu'il était bidon, qu'il n'était pas fidèle à la réalité", avait tranché Eolas, défendu par un autre avocat-twittos, Me Jean-Yves Moyart.
Pour son client, "c'était dans leur intérêt d'avoir un compteur pas trop sourcilleux". Face au juriste blagueur, le conseil de l'IPJ, Me Gilles-William Goldnadel, avait brossé le portrait d'un Eolas plus obscur.
"D'un côté, nous avons un Mister Jekyll extrêmement modéré et pondéré dans son blog, et d'un autre, un Mister Hyde qui, la nuit venue, fait preuve de la malhonnêteté la plus totale", avait-il lancé en faisant référence à un commentaire "ordurier" et "injurieux" sur Twitter, dixit la présidente du tribunal.
Il était 4H00 du matin et l'avocat sortait d'une garde à vue. Quand on lui a demandé pour la énième fois sur Twitter ce qu'il pensait du "Pacte", il a répondu: "je me torcherais bien avec l'Institut pour la Justice si je n'avais pas peur de salir mon caca" (sic).
"Sur le coup de l'agacement, oui je me suis fais peut-être un peu plaisir en faisant un bon mot", avait concédé Eolas.
Son avocat, dénonçant "une volonté d'annihiler" le blogueur-star, avait plaidé l'excuse de provocation tandis que des twittos s'amusaient d'un "cacagate" sur le réseau social.
"On peut se torcher avec un pacte, c'est du papier, pas avec un institut", avait encore soutenu Maître Eolas.
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