Quelques heures avant son assassinat au Salvador, le photographe et cinéaste
franco-espagnol Christian Poveda dénonçait avec virulence la violence
"spectacle" et son traitement médiatique dans ce pays, dans une interview
vidéo tournée par l'AFP et diffusée dimanche.
"On ne peut pas nier que
dans ce pays, il y a des morts au milieu de la rue tous les jours, et que
c'est un spectacle, que les gens vont même avec leurs enfants voir les morts
dans la rue. Vouloir nier cela est une hypocrisie", dit-il dans l'interview
de 25 minutes tournée chez lui à San Salvador, la matinée du jour de sa
mort.
Christian Poveda, 54 ans, a été abattu de quatre balles dans la tête
le 2 septembre dans une banlieue de la capitale par des membres de la "Mara
18", un des gangs ultraviolents du Salvador sur lequel il avait travaillé,
selon la police.
Christian Poveda est l'auteur du documentaire "La
vida loca" (La folle vie) qui doit sortir le 30 septembre en France, où il
partage la vie et les tentatives de rédemption de membres de la "Mara 18",
tatoués de la tête aux pieds.
Le photographe et cinéaste, dont les
cendres ont été rapatriées en Espagne d'où sont originaires ses parents,
connaissait bien le Salvador, son pays d'adoption. Il avait couvert la
guerre civile (1980-1992) et s'y était installé en 2003. Dans le pays, les
gangs, impliqués dans le trafic de drogue et dans les extorsions, sont tenus
responsables de 60% des homicides.
"Le Salvador est le pays le plus
violent de toute l'Amérique latine. Il y a une moyenne de presque 15
homicides par jour", pour une population de 7,1 millions d'habitants, selon
lui. Dans ce petit pays pauvre d'Amérique centrale, "ultramachiste", "la
violence se reproduit de mère en fils depuis la naissance", elle est
inscrite dans les "gènes des Salvadoriens", dénonce-t-il dans l'entretien
vidéo. Ici, la majorité des jeunes meurent dans des bagarres de coqs,
pour vraiment pas grand-chose. Ici on dégaine ses armes pour n'importe quoi,
alors quand un média veut nier cette réalité, pour moi cela ressemble à de
l'hypocrisie", ajoute-t-il.
Dans son ultime interview, il critique
l'effet pervers d'une initiative des médias salvadoriens intitulée "Médias
unis pour la Paix", au nom de laquelle ils s'engagent à ne pas publier des
photos explicites de violence. "Un pacte de silence", selon Christian
Poveda.
Vos réactions
Réagissez
Nouveau ?
Inscrivez-vousDéjà membre ?
Mot de passe oublié ?