08/02/2012 17:37

Birmanie : adoption d'une loi mettant fin à la censure d'ici la fin de l'année

Par Didier LAURAS

 

La Birmanie promet qu'elle adoptera d'ici la fin de l'année une loi sur les médias qui mettra fin à la censure, à une période où les journalistes, après un demi-siècle de répression, tentent de repousser les limites de leurs prérogatives.

Le pays, classé parmi les pires de la planète en matière de liberté de la presse (169e sur 179 selon Reporters sans frontières), veut étendre à la presse l'ouverture dont il se targue sur le plan politique.

Plusieurs journalistes détenus ont été récemment libérés, comme d'autres prisonniers politiques. Et le Département de l'enregistrement et de la surveillance de la presse (PSRD) est appelé à disparaître.

"A moins que le projet ne soit modifié, il n'y aura plus de comité de censure", a indiqué à l'AFP Ye Htut, directeur général au ministère de l'Information. Au parlement, "tout le monde est d'accord sur le fait qu'il faut le fermer".

Le projet de loi n'a pas été publié. Mais des journaux ont été consultés sur ce qu'ils souhaitaient voir comme contenu.

Il comporterait 11 articles, selon l'hebdomadaire anglophone Myanmar Times, couvrant les droits et devoirs des journalistes, le code de déontologie, mais aussi l'enregistrement des imprimeurs et distributeurs.

Selon Tint Swe, directeur général adjoint du PSRD, le texte est chez le procureur général pour avis. Et si l'actuelle session parlementaire est dominée par le premier débat sur le budget depuis que l'armée a cédé le pouvoir, "la loi sortira en 2012", a assuré le responsable au Myanmar Times.

"Au delà, il n'y aura plus de censure".

Depuis quelques mois déjà, celle-ci s'est adoucie au fur et à mesure que le gouvernement "civil", qui a succédé à la junte en mars dernier, confirmait les réformes.

L'opposante Aung San Suu Kyi, ennemie publique numéro un des militaires libérée de résidence surveillée fin 2010, s'est entretenue avec le président Thein Sein en août. Icône de la lutte contre l'oppression, elle se présente aux élections partielles d'avril.

Et fait office de baromètre du médiatiquement acceptable.

Depuis septembre, son nom est publiable dans les journaux. Depuis, "nous n'avons plus peur d'aller au bureau", se réjouit un journaliste birman sous couvert de l'anonymat.

L'hebdomadaire Eleven News a fait sa une, le 4 janvier, avec une photo de Thein Sein et Suu Kyi ensemble, sous la mention "Personnalité de l'année".

Deux semaines plus tard, il récidivait avec des photos de détenus politiques amnistiés sous le titre: "Freedom from Fear" (littéralement "Libéré de la peur"), en référence à un ouvrage publié par Suu Kyi en 1991.

"En tant que journalistes, nous devons accroître la liberté d'expression et maintenir cette énergie politique des deux côtés, au gouvernement et dans l'opposition", justifie le Dr. Than Htut Aung, président du groupe Eleven Media.

Parmi les observateurs attentifs du processus figurent les médias en exil, dont le site Irrawaddy, l'agence Mizzima et le groupe audiovisuel Democratic Voice of Burma (DVB). Le rédacteur en chef d'Irrawaddy, Aung Zaw, est cette semaine en Birmanie pour la première fois depuis vingt ans. Mais aucun d'eux n'a l'autorisation d'y ouvrir un bureau.

"Il semble que le ministre de l'Information Kyaw Hsan soit très réticent à voir les médias en exil revenir en force", estime Francis Wade, responsable du site en anglais de la DVB. Leur site, certes, n'est plus bloqué "mais les moyens de surveiller les utilisateurs ont été accrus".

Quant aux acteurs du secteur à Rangoun, ils trépignent de voir le pouvoir accorder des licences à des quotidiens pour concurrencer le très dogmatique New Light of Myanmar. Selon une source du secteur, jusqu'à six projets pourraient être acceptés.

Et le ministère d'évoquer la refonte complète du paysage.

"Le rôle des médias d'Etat aussi va changer", affirme Ye Htut.

"Sous le gouvernement militaire, c'était d'informer sur les politiques du gouvernement (...). Maintenant, nous sommes en démocratie. Nous devons écrire aussi sur les sujets qui concernent les gens".

Ça peut vous interesser

Ailleurs sur le web

Vos réactions