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11/12/2006 06:00

Voici le texte de Laurent Bazin "retiré" par I Télé

Vendredi dernier, nous vous révélions que Laurent Bazin, brillant journaliste à I Télé, ne peut pas tout dire, ou plutôt tout écrire...

Disposant d'un blog hébergé par le site internet de la chaîne de télé, I Télé, il a du supprimer un de ses textes, concernant un déjeuner avec Nicolas Sarkozy.

Voici comment Laurent Bazin, lui même expliquait les choses sur ce blog:

"En réponse aux internautes qui s'interrogent sur la disparition de mon blog hier: je l'ai retiré à la demande de la direction de I Télé (dont je suis salarié) et qui ne souhaite pas que le contenu de ce déjeuner collectif avec Nicolas Sarkozy soit publié. Je le regrette"

Qu'avait donc écrit Laurent Bazin sur son blog ?

Voici le texte intégral de son post:

"Ce mercredi midi, la rédaction d'I>télé était invitée à manger place Beauvau avec le ministre de l'Intérieur. Un déjeuner off dans la plus pure tradition, bien entendu.
R.V. 13 heures... 13h15, arrivée du Ministre de l'Intérieur, souriant, costume gris élégant, chemise bleue ciel, cravate bleue soutenue. Jolie montre au poignet. Le portable est posé sur la table à sa droite. Un bouton-pressoir noir à coté du verre pour sonner les serveurs.
Entrée en matière simple et de bon aloi :
"Ah, vous êtes plus sympas là que lorsque je vous écoute parler de moi à la télé. Vous m'épargnez pas... La petite là (Valentine Lopez du service politique, assise à sa gauche, ndlr) : visage d'ange, mais elle jamais un mot gentil. Que des méchancetés. Elle me loupe jamais.
Le tout, bonhomme, sans cesser de plaisanter, en fixant la directrice Générale de la chaine et le directeur de la rédaction assis en face de lui.
Suit le refrain désormais bien connu (Charles Pasqua, l'avais étrenné en 1986 lors des manifs étudiantes) :
"les journalistes de toute façon, vous pouvez pas vous en empécher. La campagne de Ségolène Royal c'est formidable, mon entrée en campagne, c'est nul. C'est sociologique, chez vous : vous êtes 2/3 de gauche, pour 1/3 de droite."
L'entrée vient d'arriver : Coquilles Saint Jacques poëlées. Salade mélangée et volaille émincée pour le Ministre.
Itélé, ce n'est donc pas sa tasse de thé ? Regard vers son conseiller en communication Franck Louvrier :
"Ah! Franck m'a dit de ne pas y aller trop fort, alors... (sourire) Je ne dis pas tout ce que je pense de vous. Je ne veux pas qu'on se fâche. Mais Cécilia, en revanche, elle aime bien I>télé, elle dit que c'est la chaine la plus ouverte, la plus variée. Enfin, il faut reconnaitre que vous avez beaucoup progressé"".
L'entrée en matière épuisée, le rapport de force installé, on passe aux questions politiques. Arrivée du plat de résistance : un filet de bar sur un risotto aux champignons et légumes verts pour nous, une deuxième assiette de crudités et son émincé pour Nicolas Sarkozy (régime, régime...).
Ségolène Royal ? Elle ne l'inquiète pas, même si il s'agace des grâces que lui font les medias.
"Non, elle ne va pas s'effondrer, c'est macho de dire ça. Elle est intelligente, solide, courageuse. Non, elle ne s'effondrera pas. Mais il faut lui opposer les idées. Moi, je serais sur le terrain des idées. Poli, courtois, mais intraitable sur le fond. C'est une femme, mais c'est surtout une responsable politique. Ca fait 20 ans qu'elle est là. Et puis Ségolène Royal, c'est moi qui lui ai ouvert la voie. Si je n'avais pas pris l'UMP comme ça, contre Chirac, vous croyez qu'elle aurait pu bousculer les élephants du PS. Jamais... Maintenant, les français attendent le match. Le match des nouveaux. Ils ne vont pas être décus. Je la sens bien cette campagne. Vous allez voir le sondage IPSOS qui sort cet après midi. Je repasse en tête, j'ai 51% au second tour."


En attendant, il y a débats à l'UMP à partir de samedi. Ca compte ? Il balaie l'affaire d'un revers de main.
"Le moins possible. De toute façon les jeux sont faits. Alliot Marie a perdu 9 points dans le dernier sondageMoi je serais sur une chaise, peut-être même sans cravate. J'écouterais, je répondrais. De ma chaise. Ne pas en faire trop. Et si MAM me reprend sur la discrimination positive, cette fois je répondrais calmement. La première fois (lors de la convention du projet en novembre) j'ai été surpris. C'était une erreur".
Bayrou. "Je n'en parle pas, je ne critique pas. Ses électeurs voteront pour moi au second tour, je ne l'attaquerai pas. Je dis juste qu'il se trompe de chemin".
Le Pen. Il l'aura, un jour il l'aura...
"Mais on ne fait pas reculer Le Pen en étant Ministre de l'Intérieur. Il faut pouvoir agir sur tous les terrains. Redonner espoir dans l'avenir. Redonner espoir. Dans les années 50/60 l'avenir était un espoir. Au creux des années 80/90, il est devenu une peur. Il faut redonner espoir. Le Pen il est là depuis 1983, avec les magouilles de Mitterand... On ne le chasssera pas comme ça... "
Et Jacques Chirac ? Il parait qu'il regarde LCI, lui.
"Oui. Il regarde toute la journée mais on ne parle plus beaucoup de lui. Franchement, je ne voudrais pas être à sa place".
Il revient sur sa gestion de medias. Pas trop, "ca use"... Depuis la rentrée il n'a fait que PPDA, Chabot ("Trois heures, six millions de télespectateurs, vous avez vu ca ? Je suis le seul à faire ça."), Inter une fois, RTL une fois et deux fois Europe 1. "Elkabbach c'est le meilleur. Lui, il travaille. Ca me rassure".
Le dessert arrive. Un flan au pomme, très fin avec sa boule de vanille couronnée d'une chips de pomme. Pour nous... Nicolas Sarkozy se contente d'un bol de fromage blanc avec son coulis de fraise (sans sucre?) et enchaine sur sa vision de l'ecole.
Spectaculaire mémoire. Il connait par coeur, mot après mot le discours prononcé quelques semaines plus tôt sur l'Education. "entre l'uniforme et le jean qui laisse beaucoup trop voir, il y a une marge", dit-il (mais il ne dit pas "string", parce Ségolène Royal l'a déjà fait). Je veux une école sans casquettes vissées sur la tête, sans portables, ou les élèves se lèvent lorsque le prof entre dans la pièce".
Nostalgie ? Non, retour à quelques bonne vieilles valeurs dans un monde qui "change si vite". Les parents attablés acquiessent. Nathalie (Ianetta) demande dans un éclat de rire si il ne veut pas venir chez elle donner quelques leçons à son fils Oscar. Nicolas Sarkozy rigole à son tour.
A cet instant, les assiettes ont disparu. On sert le café avec de joli truffes carrées et du sucre de canne. Sarkozy le guerrier, l'homme dont la jambe droite n'a pas cessé de s'agiter depuis une heure, se laisse - apparemment - aller à l'évocation de quelques souvenirs.
Il raconte les plaisirs simples de son enfance. Les escapades au café avec "son grand père qui l'a élevé", le trajet en métro, le jus d'orange presque rituel de ces sorties magiques, la main dans celle du Docteur Malah. Sarkozy enfant se damnait, dit-il, pour ces moment là. Pour aller au spectacle on reservait quatre mois à l'avance. Ma mère nous achetait des vètements neufs, pour y aller... Des vètement neufs, c'était quelque chose. Attention, hein... On n'était pas pauvres. On était des bourgeois. Ca allait. Mais c'était tout de même quelquechose".
Il parle de sa première emotion de cinéma. "Ben hur". "Avec Charlton Eston, celui de 59, hein, pas l'autre... quand je l'ai vu au Kino, ça faisait quatre ans qu'il était à l'affiche. Quatre ans, aujourd'hui un film ca rester quoi ? Trois semaines à l'affiche?".
Aujourd'hui, il adore les bronzés 3 : "14 millions d'entrées. Il faut pas cracher sur un film parce qu'il a rencontré le public. C'est comme Jonathan Littel et ses "Bienveillantes" (qu'il a lu et apprécié même si certains passages l'ont mis mal à l'aise) : "250.000 exemplaires vendus sans un seul article de presse. Il s'est bien passé quelque chose, non ? On ne peut pas le nier". Et il affirme : "moi j'ai vendu plus de 400.000 exemplaires de "Témoignages". Ca c'est quelquechose, non ?".
Retour à la littérature. Il dit que son livre préféré c'est le "voyage au bout de la nuit" de Celine. Qu'il adore Albert Cohen, et ces quarante pages ou Ariane attend Solal dans "Belle du seigneur". Que l'écrivain ait su se glisser avec une telle précision dans la tête d'une femme l'épate. Il est très sensible à ces quarante pages; C'est "son coté femme", dit-il.
Et le voilà érudit : "C'est un livre que Cohen a écrit en 68, sur les bords du lac de Genèves. en 68... Il devait s'emmerder comme un rat". Il redevient sérieux : "Mais mon préféré de Cohen c'est le "livre à ma mère". Celui là, il l'a écrit en en 59. Et la preface, vous savez : "aux insensés qui pensent que leur mère est immortelle". Ca c'est fort, très fort.
Il est 14.35, retour à la politique. Nicolas Sarkozy confie qu'il ne se voit pas faire ça toute sa vie.
Surprise générale.
"Deux mandats et c'est tout ?", glisse une journaliste. "Et encore, répond le candidat, si ca ne tenait qu'à moi je n'en ferais qu'un. Mais je ne peux pas. Tant d'espoirs reposent sur moi. Des millions de gens comptent sur moi. Je ne peux pas faire ça."
Et après ? "Après j'irai dans le privé, gagner de l'argent. Je suis avocat, je peux réussir là. Mais j'ai aussi des amis qui me confieraient bien la tête d'une grande entreprise privée. L'argent, ça compte. Je n'ai pas de fortune personnelle. Ce qui compte dans la vie, c'est l'amour. De l'argent, c'est pour les siens, pour acheter une maison, un bel appartement. Offrir un appartement à ses enfants... Je ne veux pas être comme Giscard et Raffarin, un ancien le reste de ma vie à me trainer là, à me lamenter sur ce que je ne suis plus".
14.45. Le ministre-président-candidat est reparti avec une franche poignée de main et un petit mot pour chacun. "C'était très sympa", me dit-il en me serrant chaleureusement le coude.
Bien entendu, cher Zbiegnew c'était off. Et oui, Charles, les cuisiners de la Place Beauvau ont le tour de main... Mais on sait maintenant à quoi servent ces rencontrent off... Alors pourquoi se priver de vous le raconter. A moins que vous ne vouliez pas savoir ?"

Notez également, pour être totalement transparent que Laurent Bazin a écrit le texte ci-dessous après que sur Europe 1, nous ayons évoqué son "problème"

A propos de JM Morandini et de "censure"...

Ouh là... Que de boucan, que de conclusions rapidement tirées, de journalistes une nouvelle fois mis sur le bûcher et de buzz facile autour d'un malheureux texte !

Alors je m'explique : oui, je peux écrire ici ce que bon me semble (la preuve avec l'édito d'hier sur Sarkozy et Paris-Match). De la même manière il ne me semble pas faire preuve à l'antenne d'un politiquement correct particulièrement scandaleux (litôte...).

Impertinent, c'est souvent le mot employé par ceux qui nous regardent et c'est le cas des autres présentateurs de I>télé, dont il ne faudrait tout de même pas, par un formidable retournement d'opinion, faire la chaine de la soumission alors qu'elle a été jusqu'à ce jour l'empécheur de penser en rond du PAF. Je pense en particulier à Samuel Etienne dont je rappelle qu'il a été l'un des premiers à déboulonner la pensée unique, comme à l'époque je le faisais pour ma part à LCi dans Question d'actu. Tout celà s'est fait sous la houlette de Bernard Zekri, qui est encore aujourd'hui le directeur de la Rédaction : le bon Dieu ne peut pas devenir le Diable du jour au lendemain, Si ?

Sur "l'affaire" évoquée ce matin sur Europe 1 par Jean-Marc Morandini, une précision : je n'ai jamais dit avoir été censuré. Il aurait d'ailleurs suffit a Jean-Marc, que je connais bien, de m'appeler pour que je le lui explique. Ceux qui par ailleurs ont lu ce texte (et je crois comprendre que certains l'ont gardé) savent qu'il ne sagissait que d'un récit à la "Tintin en sarkozie", finalement plus croustillant que révolutionnaire.

Donc, mon cher Jean-Marc, rassure-toi aucun ex-secret d'état ne figurait dans ce texte. Et Nicolas Sarkozy n'a pas téléphoné pour le faire retirer. Je le précise aussi pour mon ami Guy Birenbaum qui me proposait pratiquement l'asile politique sur son site : je trouve sur I, une liberté de parole devenue bien rare ailleurs.

La direction de la chaine, a simplement estimé que j'aurais du lui demander son accord avant de publier un texte sur un déjeuner privé qu'elle avait organisé, elle-même, avec le Ministre. C'est la raison du retrait, parce que comme le dit un internaute avisé, être salarié crée aussi des devoirs. La direction me précise aussi que suis tout fait libre d'écrire ce que je souhaite par ailleurs et je ne m'en priverai pas.

Si demain une véritable censure devait s'exercer, je serai le premier à en tirer les conséquences, "salaire confortable" ou pas (ce qui est arrivé par le passé, justement avec le nouvel Europe 1 sur lequel Jean-Marc Morandini continue à évoluer contre vents et marées avec la force de caractère et l'habilité que je lui connais).

Mais je vais vous dire : ce que cette affaire révèle à mes yeux de néophyte, c'est le formidable caractère viral du net. Le fait qu'un texte mis en ligne soit immédiatement lu (et conservé...) par des dizaines de personnes) et que le même texte ne puisse être retiré sans que celà se voit et fasse réagir... Tout celà me semble extrêmement saint.

Je pense cette fois être tout à fait complet sur le sujet ! :-)

Mais, si je me peux me permettre, cher Laurent, fais comme moi, ouvre un blog en dehors de ton  - ou tes employeurs-, cela te permettra d'écrire en toute liberté !

Amicalement

JMM

 

Ailleurs sur le web

Vos réactions

Portrait de GUILLAUMERIVAULT
8/décembre/2006 - 10h49

c'est normal
Vu que c'est un site d'hébergement d'une télévision qui doit etre A politique donc je trouve celà normal . Par contre Mr Bazin peut retranscrire ce repas sur un blog privé.

Portrait de yvan
8/décembre/2006 - 10h38

censure quand tu nous tiens
ca commence à faire beaucoup!!!!

Au pays de sarko il ne faut pas dire n'importe quoi: demandez à l'ancien directeur de paris match, il vous le dira.

Portrait de Sésam33
8/décembre/2006 - 09h53

Villepin
Sur I tele soutien Ségolène Hum ! pas bon ça.
Pourquoi c'est dela faute à Sarko (le blog) chez moi c'est la tempete et c'est aussi de la faute à Sarko.
Je pense que I tele proprio du blog veut administrer son blog et surveiller son contenu
Ce journaliste (excellent de sucroit) peu comme JMM ouvrir son propre blog

Portrait de Mamlouf4
8/décembre/2006 - 09h50

Condoléances
I-Télé : Valérie Lecasble m'a tuer... :-(

Portrait de capafrican
8/décembre/2006 - 09h05

ou sont-ils?
les charly hebdos, le bhl et les autres qui crient toujours haut et fort qu'on ne peut rien interdire te que la liberté d'expression doit etre totale....
ils vont pas monter un comité ou ecrire un manifeste? ou c'est le deux poids deux mesures.. c'est vrai, c'est pas la meme chose qu'on touche à mr nicolas ou à une religion

Portrait de anny
8/décembre/2006 - 09h00

On le regrette aussi
sur Europe 1. Pourquoi il a disparu lors du grand remaniement d'il y a qq mois ?